ENGENDRER, SÉPARER, SE PARER
(DOCUMENT DE TRAVAIL)
« Les années ne modifient pas notre essence, si tant est que nous en ayons une »
J.L.BORGES. Le livre de sable.
Ma préoccupation constante, surtout dans une institution qui se voudrait soignante, consiste à éviter de sombrer et de s’abîmer dans des idéologies perverses qui font tout pour qu’elles soient identifiées au discours analytique, alors qu’elles ne sont là que pour institutionnaliser l’idéologie dominante du bilatère triomphant, violemment réfractaire à la « béance » fondatrice de la subjectivité, c’est à dire l’inconscient. L’institutionnalisation du bilatère dans les institutions qui ont la prétention de venir en aide à des enfants et à des familles, qui représentent elles aussi une institution sociale, ne peut déboucher que sur des dégâts subjectifs, proportionnels à l’asservissement forcené à l’idéologie dominante, exclusive de l’inconscient.
Afin de ne pas institutionnaliser le bricolage médico-psychologique anti freudien, procédant du discours universitaire , et qui prétend faire pièce par tous les moyens, à l’asphéricité, issue de la négativité, mise en œuvre par l’inconscient, il est nécessaire de préciser toujours un peu plus les concepts propres au discours analytique, pour ne pas les laisser entre les mains de ceux qui les exploitent, les pervertissent pour les mettre au service de la « psychose sociale », laquelle est parée d’altruisme et d’humanisme, d’autant plus qu’elle est promue par des érudits-illettrés, qui ne veulent rien savoir du « désêtre », accouplé au « parlêtre ».
Ce travail incessant d’analysant/analyste met en acte la désupposition du savoir, qui a du mal à prendre dans une institution « soignante », aliénée au savoir universitaire, qui confond signification, sens et signifiance. Il me permet de montrer que je « désuis » tout le temps et déçoit les adeptes du corporatisme, entendu comme l’association des adeptes du savoir bouche-trou, soumis à la hiérarchie sociale et surveillés par des « chefs », qui n’ont de cesse que de faire prévaloir ce savoir (référentiel) sur l’ordre symbolique (savoir textuel/lettre), afin de l’exclure, quitte à aggraver la « folie » ordinaire.Le comble de l’inconséquence est atteint, lorsque cette dernière fait l’objet de plaintes constantes provenant de ceux-là mêmes qui créent les conditions de son installation et de son développement.
L’institutionnalisation de significations imposées, parce qu’elles sont soutenues par le discours du maître, allié de celui de l’université, fait barrage à la désupposition, fondée sur un autre discours qui met en avant, non plus des slogans ou des mots de passe, mais met en œuvre la signifiance, en tant qu’elle permet d’évider les significations, grâce à la négation qu’elle mobilise et active. Ainsi, la parole n’a de valeur réellement subversive que si elle rapportée à la structure du symbolique, qui articule la déconstruction, soutenue par la pulsion de mort, et la construction étayée, elle, par la pulsion de vie. Le principe de l’une, qui n’exclut pas l’autre, mais lui est nécessaire, comme négation productive, est à la base du progrès symbolique.
Si les êtres parlants sont confrontés à une aporie indépassable, et qui n’est pas une malédiction, n’en déplaise aux idéologies religieuses, c’est parce qu’ils sont dans un rapport inédit avec l’objet, dans un « rapport d’exclusion interne »(LACAN), déterminant pour l’avènement du désir et de la sexualité. Cette caractéristique, qui instaure la subjectivité, procède de ce que « le mot est le meurtre de la chose »,. Cela a pour conséquence que l’objectivité, comme rapport direct et adéquat à l’objet, et comme essence naturelle recouvrée (la chose/das ding), choit et laisse place à un vide, qui fait le délice de tous ceux qui veulent le combler, des charlatans aux plus fétichistes des tenants de certaines sciences à visée ontologico-paranoïaque. Ce lieu, cette béance perpétuelle, devient le fondement de représentations différentes de ce qui n’est plus, et qui le restera, quelles que soient les représentations et leurs sophistications imaginaires : toute tentative de comblement butera sur l’écart inhérent à cette perte définitive. Le « motérialisme » (Lacan) devient désormais le matérialisme le plus conséquent, puisqu’il détermine toutes les réalités dites humaines, qui existent et existeront sur la base de ce qu’aucune d’entre elles ne parviendra à l’obturer, quelles que soient les prétentions à l’occulter, que ce soit avec un certain type de discours et de savoir, ou bien avec des armes et de la torture, voire les deux pour exterminer .(Cf. le nazisme )
L’absence d’essence est toujours présentifiée dans les réalités qui cherchent à l’éliminer : elle l’est dans les mots qui la matérialisent et permettent de la prendre en compte pour modifier et transformer des réalités, sans aucun espoir de restitution, de substitution ou suppléance, à des fins d’obturation. Quant au mot, il ne se suffit pas à lui-même. Il ne suffit pas non plus à rendre compte de tous les éléments issus de cette perte, devenue une négation, source de richesse signifiante. Ainsi, toute représentation présentifie de façon constamment inadéquate cette perte, en ce sens que tout objet qui sert à la concrétiser, n’arrête pas son échappement constant, et partant le ratage qu’il induit. Sur le plan signifiant, le symbolique détermine et organise le rapport métaphoro-métonymique qui correspond à l’échappement et au ratage. Il instaure toujours un décalage entre la réalité nouvelle et celle qui était escomptée, motivée qu’elle était par le désir de maîtrise de ce qui échappe, et qui reste à tout jamais forclos, quelles que soient les appropriations objectales imaginaires dont chacun peut se targuer, pour participer au grand cirque de la funeste complétude, au détriment de la vie. (Jouir de la castration et du plus de jouir)
L’échappement fait échec à toutes les entreprises qui visent à le maîtriser en prétendant « réparer » le défaut fondateur des représentations. C’est ainsi qu’on appauvrit les effets du ratage, qui détermine l’enrichissement métonymique, afin de mieux métaphoriser la béance et son omniprésence. Le temps logique de la structure, à savoir l’omniprésence de la béance, troue les prétentions du temps chronologique qui, associées au bilatère, prisé dans les théories médico-psychologiques, met au jour leur caractère anté et anti-freudiens. La fonction signifiante, qui matérialise l’ordre symbolique, est congruente de la fonction paternelle de FREUD. Celle-ci met en évidence le fait que son élimination (impossible même dans les cas d’autisme) se traduit en définitive par l’instauration d’une limitation indépassable, rendant à leur vanité tous les actes qui visent à l’éliminer, comme celui de tuer. Elle confirme en fait que la mort de l’être (incorporation du signifiant/lettre) a déjà eu lieu et qu’il ne saurait y avoir de retour en arrière, quelles que soient les régressions mises en avant. Sur le plan symbolique, la négation, libérée par le meurtre symbolique, soutient l’articulation signifiante et le processus de déconstruction/construction, toujours à l’œuvre dans l’existence (ex-sistence). La conjonction entre la négation et l’échappement impose à la vérité sa structure de « mi-dite » : il inaugure une dialectique, nourrie par un défaut irrémédiable, entre ce qui est radicalement indicible et inarticulable et la diciblité variée et multiple qui en procède, sans qu’aucun terme final, exhaustif et achevé soit atteint. Cette raison freudienne que LACAN a fondée logiquement, est entravée par l’omnipotence de la raison classique, celle du moi et de la conscience, qui ne souffrent pas la négation et dé-dialectisent en ne tenant aucunement compte de la tierce personne, c’est à dire de l’importance de la troisième dimension(0=vide opératoire), dont l’efficacité et les effets procèdent de son absence même. Cette absence assure le nouage de cette dimension avec les deux autres pour réaliser une dialectique particulière, moebienne, qui préserve la spécificité de chacune d’entre elles, tout en leur donnant une homogénéité globale, de sorte que si l’une d’entre elles se détache des autres, elles se retrouvent toutes les trois dénouées, sans attache. D’où le symptôme comme tentative de les maintenir ensemble, vaille que vaille.
Si une institution est présumée représenter une adresse pour ce dernier, et qu’elle même institutionnalise -comme fondement de ses pratiques- le discours du maître, doublé de celui de l’université, alors, le savoir se verra assigné à la fonction d’obturation de la signifiance en même temps qu’il renforcera l’hommosexualité sphérique qui y règne déjà. La promesse asservissante – impossible à tenir- de garantir la complétude narcissique, pour ceux qui la servent comme pour ceux qui s’adressent à elle, fige l’institution dans une conquête de savoir sphérique qui anéantit le savoir inconscient (lettre), tout en chronicisant le symptôme, désormais alourdi par une importante charge iatrogène, très fréquemment déniée. Celui-ci s’aggravera d’autant plus que la structure subjective sera trahie par un surplus de savoir qui, faute d’être évidé pour retrouver le sens de la signifiance, compromet gravement l’asphéricité du symbolique et la démesure de cette dernière, qui articule ce qui est forclos et définitivement indicible à ce qui est sans cesse dicible. Dans un contexte institutionnel d’extermination du sujet, le symptôme « flambe », surtout lorsqu’on fait miroiter que le savoir dont on dispose, au lieu d’être livré à la désupposition, vient faire miroiter qu’il détient les moyens de se procurer l’objet qui manque pour que la complétude imaginaire soit réalisée, au détriment du symbolique et de la structure subjective qui s’y opposent (transgression de l’interdit de l’inceste).Heureusement que personne, même au nom de l’amour idéal, et quel que soit le savoir mis en avant et la servitude volontaire qu’il suscite, ne procure, ni ne procurera jamais l’objet de la complétude narcissique et de la jouissance phallique, au risque de mettre à mort l’existence du sujet.
Si une institution dite soignante, dans laquelle le soin relève aussi de l’amour, à l’image de ce qui se passe dans une famille, renforce la conception éducative familiale dans le sens du déni de la structure subjective, c’est l’aggravation de la « folie » qui se profile, notamment à travers l’irresponsabilité de « la belle âme ». Cependant, si éduquer consiste à élever(dans le sens ascensionnel notamment), cela implique l’impérieuse nécessité de subvertir tout semblant, qui peut annihiler la négation qui le soutient : à savoir le sujet. Car il ne peut y avoir de semblant sans sujet !Ainsi, ce qui change, ce n’est pas la structure, mais la position qu’elle autorise et permet, laquelle position se concrétise dans un discours et une posture ou semblant, nécessaire à sa matérialisation et à sa saisie. Se séparer d’une posture, passe par la subversion du discours qui la porte, et par un exercice inédit de la parole, en tant qu’elle est rapportée à la structure du symbolique et à l’incomplétude qu’il engendre, mettant dès lors en évidence la place de l’objet a (objet dont la perte est irrémédiable en tant qu’elle assoit le désêtre et cause le désir, qui ne fait accéder qu’à des objets métaphorisateurs, qui laissent toujours à désirer).
Ma tâche d’analyste-analysant consiste dans le travail clinique, comme dans le travail institutionnel, à ne rien céder sur la position issue de ce que je « désuis » constamment, afin de mener à bien la tâche subversive, protectrice contre les dérives idéologiques, néfastes pour le sujet. Elle consiste à « père-vertir » les perversions courantes, en ressuscitant sans cesse la présentification de l’absence, déjà incorporée grâce à l’aliénation signifiante, par tous et par chacun. C’est ainsi que la séparation prend toute sa valeur : elle n’a de sens que si elle favorise la littoralité, sinon elle participe à la psychotisation, par le renforcement de l’opposition bilatère, qui fait fi de « l’unarité » (unité fondée sur l’altérité qui divise et incomplète)).Cette dernière détermine par ailleurs le « mi-dit » de la vérité, qui impose le semblant comme une nécessité, car le vide qui le sous-tend, est et reste indicible.Le semblant métaphorise le vide fondateur ou la « béance causale », qui fait échec au savoir dont la logique entrave la raison freudienne : c’est le cas de la psychiatrie et de la psychologie, toutes deux enfermées, comme discours (lien social) dans la raison classique, bilatère, hermétique à la littoralité spécifique à la structure signifiante. C’est pourquoi elles n’ont pas à être mises en concurrence avec le discours analytique, dont la structure représente une rupture épistémologique et un dépassement par rapport à elles, sans pour autant les anéantir, d’autant que leurs tendances totalitaires, qu’elles puisent dans la raison sphérique qui les nourrit, sont puissantes, selon les moments de l’Histoire. La raison classique, qui irrigue même des théories progressistes, reste fondamentalement réfractaire à la béance et à la littoralité, malgré tous les subterfuges idéologiques, plus ou moins pervers, utilisés pour faire passer la sphéricité pour de l’asphéricité (cf. les efforts vains de l’antipsychiatrie, voire de la psychothérapie institutionnelle).
Par la destruction progressive des productions imaginaires, dictées par le fantasme de chacun, et qui emprisonnent l’autre dans une image fantasmée à laquelle il est quasiment sommé de s’identifier, le transfert aide les enfants et leurs parents à mieux respecter la structure auxquels ils sont tous soumis, malgré leurs âges et leurs expériences. Cette destruction ardue implique l’abandon d’une position – permise malgré tout par la structure, même si elle la néglige- et la construction progressive des termes d’un choix nouveau, qui oriente vers de nouvelles lectures, soutenues désormais par un autre discours, dont la valeur provient dès lors de la libération de significations a priori, et prêtes à porter. Cette libération procède du recouvrement de la signifiance, qui contribue sans cesse à l’avènement de nouvelles autres significations, respectueuses dorénavant de l’écart induit par le symbolique(non rapport). C’est précisément de cet écart que les idéologies psychanalytiques ou d’inspiration psychanalytique, n’ont rien à faire. Alors qu’il est au fondement même du discours analytique, auquel elles s’identifient sans vergogne, elles bafouent sa structure, et partant son éthique, radicalement incompatibles avec les discours qui les déterminent et qui relèvent de ceux du maître et de l’universitaire, auxquels d’ailleurs s’accommode fort bien celui de l’hystérique, qui les alimente. L’intérêt de cette remarque ne tient pas au souci de dévaloriser ces discours, mais à celui de respecter leur spécificité, pour que les passages entre eux et le discours analytique, ainsi que les conditions qui les permettent, soient élucidés. Chacun d’eux implique un lien social bien défini, lié à la place qu’il accorde à la subjectivité et à sa raison, dont la lettre parvient toujours à destination, parce qu’elle est portée quoi qu’il en soit, par tout parlêtre qui a incorporé le Père, et dont l’existence est désormais placée sous le sceau de la présentification de l’absence, même s’il en est bien souvent oublieux, et en quête d’un savoir renforçateur de cet oubli. (On n’oublie que ce que l’on sait ! Et le savoir bouche-trou dispensé par les alphabétiseurs experts n’anéantit pas le trou ou l’ex nihilo, même s’il pousse au nihilisme, stade ultime de l’ontologie mortifère).
AIDER LES ENFANTS ET LEURS PARENTS A PARTIR D’UN DISCOURS QUI NE SERAIT PAS DU SEMBLANT (sans pour autant exclure le semblant nécessaire et radicalement différent du faire semblant)) :
Aider les parents revient à renoncer à un discours de la folie ordinaire (quête de complétude + enfermement dans le bilatère) pour qu’ils contribuent, à partir et grâce aux troubles de leur enfant, à ne pas l’y intégrer, mais surtout à l’en préserver, en réussissant à distinguer la réussite de différents projets existentiels, de la complétude, à laquelle ils sont et peuvent rester longtemps dépendants, par enfants interposés aussi bien. Le type d’amour qui leur est, en l’occurrence, voué est empoisonné, s’il consiste à les dresser (élever) à réaliser la complétude, que les parents ont convoitée et continuent de convoiter -confondant ce qu’ils veulent avec ce qu’ils désirent,- et qu’ils ont heureusement ratée, même s’ils ont « réussi » sur le plan social.
Ma tâche d’analyste (qui na rien à voir avec la psychothérapie, hermétique à la signifiance et au plus de jouir), consiste à susciter et à libérer toutes les élaborations, qui rendront progressivement le symptôme bénéfique à tous (enfants, parents et institution). Elle consiste également, à partir de là, à « élever »(ascension hors dressage) les parents afin qu’ils accèdent au non rapport que l’enfant met à l’épreuve dans ses séances, en passant à un discours dont il connaît déjà la structure, à savoir celle de l’objet a, en tant qu’il est congruent à la structure signifiante. C’est parce que dans une institution dite soignante, le discord est censé avoir toute sa place, qu’il peut orienter la pratique clinique et thérapeutique, grâce à une réverbération de la signifiance, avec laquelle s’installe une affinité élective. La valeur de la différence et du différend –tenant à la structure signifiante et traduits dans la parole- sont dorénavant mis au service de l’homogénéité familiale, désormais fondée sur une séparation, qui ne vaut que si elle sert à mieux lier, tresser, c’est à dire rassembler et nouer (borroméanité), pour garantir l’inachèvement de la créativité, inhérente au caractère fini de la structure signifiante. C’est ainsi qu’il est possible de renaître (re-n’être) à l’existence, en insistant sur la négation qui soutient la désupposition du savoir (dialectique déconstruction/construction), assise sur le non rapport. Les progrès de l’enfant à construire une réalité sur les décombres des anciennes, peuvent induire chez les parents les occasions de s’affranchir de certaines des leurs, fossilisées dans une rationalité bilatère qu’ils idéalisent au point qu’ils les prennent pour le nec plus ultra de l’éducation, d’autant qu’ils les retrouvent chez des spécialistes de la réification, qui ne leur permettent pas (savoir bouche trou oblige) de considérer qu’il n’y a pas de signification, et donc de réalité, sans signifiance. A la différence des conceptions idéologiques qui déterminent une kyrielle de psychothérapies, le but de la tâche analysante revient à détruire (pulsions de mort) des significations et à construire (pulsions de vie) d’autres qui, non seulement tiennent compte de la signifiance, mais la placent à leur fondement même, en respectant l’écart de toute réalité avec le réel, qui lui échappe et la dé-finit à ce titre. Aider à construire une réalité sur la base de l’abandon de l’illusion conjonctive du fantasme, et partant de l’échappement du réel, contre lesquels s’érige le symptôme, est une tâche qui va à l’encontre de la raison à l’œuvre dans les conceptions éducatives, dont le souci constant et majeur est la transgression de l’interdit de l’inceste par la réalisation du rapport sexuel, dont l’impossibilité est démentie et transmise ainsi aux enfants, lesquels doivent l’endosser et y répondre, d’autant que l’amour est mis en avant pour obérer les demandes explicites et implicites qui leur sont adressées.
La tâche de l’analyste revient, à mon sens, à rendre le symptôme bénéfique à l’enfant et à sa famille, sans suggérer ni prescrire à celle-ci une quelconque thérapie. Il s’agit d’introduire, grâce à la prise en charge de l’enfant, du « discord », du différend et du différé, pour homogénéiser la famille autour de la structure signifiante, transmise par la fonction d’échange de la parole, que renforce le transfert. Ainsi, la séparation ne vaut que si elle permet de mieux lier, de mieux rassembler par l’abandon du déni du non rapport, qui est la pierre angulaire des techniques éducatives et pédagogiques. La séparation, sur le plan subjectif, correspond à l’abandon du mythe de l’unité comme totalité, et au recouvrement de l’unarité en tant qu’elle permet au manque d’être et d’objet, d’enrichir l’existence subjective par le désir, qui en procède. Elle assure le passage du symptôme au « sinthome », celui-ci réalisant le dépassement de celui-là. (faire semblant (posture/imposture) ne se confond plus avec le semblant au sens de position subjective impliquant choix et responsabilité)
Aider l’enfant à accéder au non rapport, et le soutenir face à la rigidité parentale, complique la tâche, et peut déboucher sur l’abandon des progrès qu’il a pu accomplir ainsi que sur la recrudescence du symptôme. Ses capacités de déconstruction/construction, favorisées par sa proximité de la structure et de la lettre, sont souvent mises à mal par les « fossilisations bilatères » des adultes, qui l’entourent et visent à lui imposer le nec plus ultra de l’éducation, aidés en cela par la cohorte des spécialistes de la réification débilitante, dans et hors les institutions prévues à cet effet. Ainsi, une incompréhension, aussi tenace soit-elle, ne relève pas d’une débilité constitutionnelle, mais bien de l’asservissement et de l’enfermement dans un discours dont la logique sphérique – à laquelle on a choisi d’être asservi- ne souffre d’aucune façon celle qui intègre celle de la tierce personne (Abarré) ou la présentification de l’absence (inentendable par ceux qui , « faussement » ne croient que ce qu’ils voient .)
Aider l’enfant à « renaître » en le libérant de toute préoccupation ontologique (ren’être), imposée par l’éducation parentale et scolaire (l’aliénation sociale refoule l’aliénation signifiante), s’appuie sur un discours qui, parce qu’il est fondé sur le non rapport et l’ex nihilo, met en évidence qu’il n’y a pas de signification sans signifiance, laquelle permet d’en détruire certaines et d’en construire de nouvelles qui l’incluent, à l’inverse et à l’encontre des conceptions idéologiques qui s’enferrent dans le déni du non rapport, excluant par là même la structure signifiante et son corrélat : l’objet a. Ainsi, la désupposition de savoir, soutenue par le non rapport inhérent à la signifiance, détermine le transfert et permet l’accès à l’existence subjective, dès lors que le sujet est ressuscité et peut désormais cohabiter avec le moi, selon une division qui fait valoir l’unarité (unité comprenant l’altérité : A) au détriment de l’illusoire unité (ontologie qui ne veut rien savoir de la subjectivité). Grâce à la parole, la tâche analysante, à laquelle est convié l’enfant, met en valeur l’inconscient en tant qu’il fait l’insuccès de l’amour contenu dans les diverses méthodes éducatives, qui lui sont imposées pour son bien, et qui procèdent du démenti qu’elles opposent au non rapport. Il n’y a pas à suggérer une autre méthode idéale, que ce soit dans le sens du rapport ou du non rapport, mais à s’appuyer sur la négation (par exemple à partir des conduites d’opposition), pour parvenir à considérer que n’importe quel rapport procède d’un non rapport essentiel qui peut le rendre caduque, mettant au jour le fait qu’aucune conception ne parvient à « incarner » en la fixant (réification) la négation qui détermine et engendre toutes les productions possibles. C’est bien pour cette raison que LACAN a pu avancer que « la psychose est ce devant quoi un analyste ne doit reculer en aucun cas ». A l’opposé des charlatans, adeptes du métalangage, qui font accroire au rapport, exclusif de la division subjective, le discours analytique tient, envers et contre tous les errements médico-psychologiques, que la structure subjective est achevée parce qu’elle est fondée sur le non rapport, et qu’à ce titre, elle est ouverte. Cette ouverture s’accompagne certes de fermeture, mais en aucun cas, elle ne signifie la fin du non rapport, fondateur de l’inconscient. La force négative de l’inconscient assure l’existence subjective et favorise la remise en cause de tout rapport irréductiblement dépendant de la signifiance. Il permet de ne pas tomber dans le piège du nihilisme (populisme totalitaire, fascisme…) qui menace tous les adeptes du métalangage, lesquels ne se remettent pas de leur déception quant à l’absence radicale et irrémédiable d’un objet de complétude, les laissant face à un désir intraitable, qui laisse toujours à désirer. Les « psys », alphabétisés en psychanalyse par la formation permanente et les réunions mondaines, préfèrent l’illettrisme et les conversions idéologiques à visée ontologique, grosses de dérives nihilistes, dès lors qu’ils se croient menacés par la non-identité à soi, pourtant fondamentale pour le discours analytique. C’est dire combien la rigueur de la tâche analysante est essentielle dans la lutte pour la défense du discours analytique contre les attaques qu’il reçoit de la part de « psys » divers qui ne sont même pas aptes, du fait de leurs discours tellement ouverts qu’ils sont faits de bric et de broc, à considérer que la parole ne se réduit pas à la verbalisation, mais qu’elle consiste en une fonction d’échange assurant la réversion des interlocuteurs par la mise en jeu du temps logique, indispensable à sa circularité moebienne, congruente de la signifiance. Il s’agit de la temporalité intemporelle (hors chronologie) du vide qui nourrit la négation spécifique de l’inconscient en tant qu’il transcende la notion par trop linéaire d’évolution. Quant à la parole, elle associe tout en différenciant les interlocuteurs : elle associe tout en distinguant et en séparant. Elle s’avère unaire en permettant à ces derniers de mettre au jour pareillement ce qu’ils peuvent concevoir et penser différemment, à savoir le non rapport ou la signifiance qui témoignent de l’échappement du réel, valable pour tous, et saisissable seulement par métaphorisations, que toutes, ni aucune d’entre elles n’épuisent, puisqu’elles servent à mettre en valeur son immaîtrisabilité . Il s’agit donc de défendre ce caractère unaire de la parole, qui est oublié dans les discours refoulant la subjectivité : « Qu’on dise (le dire), reste oublié derrière ce qui se dit dans ce qui s’entend.» (LACAN)
Toute critique procède de la mise en œuvre de la fonction signifiante, et n’a de valeur que si elle rappelle le dire. Elle devient intéressante lorsque ce qu’elle apporte comme nouveauté est au moins imprégné par la signifiance et appelle, de ce fait, à son propre dépassement, pour bien confirmer le ratage qui la fonde. Elle implique des lectures différentes qui, malgré leurs divergences, restent déterminées par la signifiance. Lorsque celle-ci est acceptée d’être prise en compte, alors le travail critique gagne en intensité et en intérêt : ces lectures sont nécessairement d’inégale valeur quant à la mise en évidence de l’énonciation. Elles renvoient toutes cependant à la signifiance en tant qu’elles mettent en jeu l’équivocité, l’ambiguïté et la polysémie, qui confirment la non identité à soi (« un signifiant ne peut pas se signifier lui-même ») et permettent de séparer la personne du discours qu’elle choisit de servir. Le rapport particulier qui relie l’énoncé à l’énonciation fait écho à la division subjective et à l’unarité qui atteint l’homogénéité en intégrant l’hétéros (C’est ce que n’a pas compris par exemple le professeur de philosophie et idéologue Alain FINKIELKRAUT). C’est pourquoi instituer une méthode de travail qui s’appuie sur la signifiance n’ a rien à voir avec l’institutionnalisation, c’est à dire la fermeture de la signifiance par une organisation hiérarchisée et avide de pouvoir, qui n’a de cesse d’entraver le travail de destitution/institution propre à l’ordre symbolique, spécifique aux êtres parlants, très souvent oublieux de la béance qui les cause, et partant de l’inanité du pouvoir qui prétend en venir à bout. Bafouer la signifiance, issue de la structure signifiante, est le propre de toutes les institutions réifiées, qui pervertissent l’ordre symbolique en le remplaçant par un ordre idéologique qui le nie et ne supporte pas « la docte ignorance », préférant et valorisant la « passion de l’ignorance » et le rejet de la lettre. Mobiliser les pulsions de mort pour détruire et évider les symptômes d’une part, les mettre au service des pulsions de vie pour construire sur les fonds du ratage d’autre part, libère l’institution de la réification, qui devient d’autant plus mortifère qu’elle se croit capable d’anéantir la signifiance, sans laquelle elle ne peut vivre. En effet elle n’est elle-même qu’une métaphore momentanée de ce qui lui échappe tout le temps et fait la substance de la subjectivité. Comment pourrait-elle alors rendre compte de cette dernière si elle bafoue ce qui donne sa consistance au sujet, à savoir l’inconscient ?
Laboratoire du concept par la mise à profit de l’inachèvement, l’institution qui soigne ses rapports à la signifiance, gagnerait en « métaphoricité » si elle se refusait à faire obstacle à la métonymie qui l’engendre, et la concrétise sans pour autant l’objectiver, ni la réifier, c’est à dire la « pathologiser », dans le sens où elle dégrade la parole, qui met en jeu le réel, détermine le transfert et produit des effets sur toute organisation humaine (symbolique), comme la famille, par ex. L’enjeu capital porte sur la métamorphose de l’institution, en tant qu’elle devient, par le travail de tous et de chacun, le lieu de la sublimation de la laideur, en parvenant à faire équivaloir le vrai au beau.(Cf. le séminaire « L’éthique de la psychanalyse de LACAN). C’est le cas du prodigieux et prolifique PICASSO, qui est un modèle dans l’inachèvement créatif par la décomposition/recomposition, innovatrice et renouvelée. Autrement dit, le sujet rend le laid beau en témoignant de « l’incapturabilité » radicale et définitive du réel. Ce trait permanent, perpétuel, favorise l’émergence de formes diverses et nouvelles, qui le concrétisent et le masquent simultanément, tout en poussant à leur destruction, afin qu’il soit mis en évidence par là même, au titre d’une structure indépassable. La tâche analysante, destructrice de toute réification, représente un acte de résistance contre la psychose sociale : elle recrée un lien social « extraordinaire », grâce à un discours inédit, doté d’une imparable logique de mise en continuité (bilatère/unilatère/bilatère…), qui préserve l’articulation signifiante de toute dislocation psychotisante. Le défi consiste à être et à rester fidèle à la structure du discours analytique, en s’appuyant indéfectiblement sur elle pour déconstruire et renouveler ce qu’elle a pu engendrer, sans la renier ni la trahir, puisque l’échappement qui la caractérise ( objet a) en est la raison et le moteur essentiels, nécessaires à la production de réalités différentes, mais inégales quant à la place qu’elle lui accorde.
Il n’y a aucune pratique qui soit déliée d’un discours, en tant qu’il représente un mode de prise en compte de la structure et de l’articulation signifiantes. Sauvegarder la structure spécifique du discours analytique –tel que LACAN en a écrit le mathème – en vue de le démarquer des autres discours, passe nécessairement par « l’éthique du bien dire », qui est liée aux places particulières réservées par la structure des discours. C’est pourquoi la psychanalyse ne peut ni s’enseigner, ni inciter à des conversions d’aucune sorte. Elle peut cependant transmettre l’essentiel de la structure du discours analytique, à savoir l’échappement du réel et de la vérité à partir desquels on déconstruit et construit des conceptions qui peuvent prendre enfin compte de ce qu’elles s’efforçaient de méconnaître jusque là : l’impossible, articulé à la présentification de l’absence (tierce personne). Cette dimension permet de rompre avec les anciennes constructions en assurant un nouveau nouage avec les autres dimensions qui se voient redéfinies à partir du non rapport qui les articule désormais. Le « coup de génie » de FREUD, insaisissable pour les alphabétisés, et les érudits qui demeurent illettrés, consiste à rendre compte scientifiquement de ce qui échappe à la science, à savoir le sujet et son corrélat : le manque dans l’Autre (S(A)), qui font défaut à la raison classique et assurent, à ce titre, le progrès des connaissances scientifiques, soumises elles aussi à la structure signifiante. C’est ce projet qu’a poursuivi et fondé logiquement LACAN, et qu’il nous reste à poursuivre pour nous affranchir de l’humanisme xénopathique et xénophobique, tout en nous distinguant de ceux qui croient incarner l’être psychanalyste, acmé de l’infatuation moïque et du pire.
« Le sujet de l’individuel, c’est le collectif », note LACAN . En effet, l’Autre induit l’Un qui fait le « nous », duquel appert la singularité du Je, lequel négative le moi, sans l’exclure ni l’anéantir, fût-il « haïssable ». Cette dialectique du sujet est fondamentalement opposée à la vision anarchiste et réactionnaire qui considère que la séparation doit promouvoir des individus autonomes et souverains, coexistant dans une indépendance totale. C’est à ce genre d’ineptie que certains illettrés veulent assujettir le discours analytique, ravalé au rang de supplétif du discours capitaliste, organisateur du marché de dupes autour de la démocratie libérale, modèle absolu du déni du non rapport. Aucune pratique, aussi empirique soit elle, n’est autonome ou indépendante d’un discours qui la détermine et l’étaye, que ce soit de façon manifeste et/ou latente.
Agir en psychanalyste pour mieux le désêtre, revient à rendre compte de sa pratique, de ses raisons et de ses effets. Cela consiste aussi à faire la preuve en acte de l’aliénation signifiante en tant qu’elle fait échec à toute prétention ontologique : désêtre sans cesse ,quitte à décevoir, sert à approfondir les concepts de la psychanalyse et à affiner leur tranchant afin qu’ils puissent très difficilement être récupérés par des idéologies psychiatrico-psychologiques et anthropologiques, qui n’ont rien à voir avec les hypothèses théoriques de FREUD, destinées à être mises à l’épreuve dans et par la pratique inédite de la parole, pour leur éviter de se dégrader en prescriptions préjudiciables à la tâche analysante. C’est en se positionnant de la sorte que la fonction signifiante est favorisée , au bénéfice de la négation propre à l’inconscient. L’abandon définitif de la quête ontologique prédicative est censé avoir été atteint par la cure de ceux qui se décident à agir en psychanalystes. D’où l’épineuse question de la passe que se posent tous ceux qui souhaitent rendre compte sérieusement de la pratique analytique, de ses raisons comme de ses effets, alors qu’elle n’effleure même pas les idéologues anti-freudiens de tout poil, pour lesquels la raison asphérique ressortit à un entendement auquel ils sont hermétiquement réfractaires (un des effets de l’illettrisme).
Défendre la psychanalyse comme discours, c’est s’expliquer sur l’acte qu’elle rend possible et qu’elle conduit à soutenir sur la base du primat du symbolique, c’est à dire du signifiant, qui met un terme aux funestes confusions entre réel et objectivité (au nom du réalisme), toxiques pour le savoir inconscient, c’est à dire pour la lettre, en tant qu’elle met en évidence le « troumatisme » et le refoulement primordial, essentiel à l’existence subjective, malgré les détours névrotiques, pervers et psychotiques, témoignant des difficultés à admettre la faille, la béance de la structure, à laquelle les idéologies contreviennent , à l’image des symptômes. Si l’inconscient permet au moi de n’être plus maître d’un lieu qu’il s’est approprié, il le rend en plus responsable de ce qui lui arrive , même s’il clame ne pas l’avoir voulu. Cette position éminemment éthique est caractéristique du discours analytique. Elle se détache et se démarque fondamentalement de la morale et de la belle âme qui l’alimente, et qui s’ingénie à se trouver tous les boucs émissaires possibles et imaginables, pour se disculper et assurer la paix de ceux qui s’accolent à elle.
Des idéologues, très alphabétisés en psychanalyse adaptée à la formation continue, réussissent heureusement à nous montrer leur illettrisme, lorsqu’ils assènent et martèlent leur attachement au « réalisme objectif », alors que le signifiant -plus précisément sa structure- s’y oppose catégoriquement et sans réserve. Les inepties qu’ils profèrent, laissant accroire qu’elles proviennent du discours analytique, procèdent en vérité du pervertissement et de la dégradation bilatère qu’ils infligent à ce dernier, qu’ils s’approprient au point de croire qu’ils l’incarnent, usant pour ce faire de toute une panoplie de postures, favorisant les identifications imaginaires et les mimétismes tragi-comiques. Ceux qui ne veulent rien savoir de l’inconscient, parce qu’ils tiennent par dessus tout au rapport sexuel, trouvent auprès de ces idéologues des formateurs-alphabétiseurs, avec lesquels ils partagent « la passion de l’ignorance » et la haine de l’altérité. On a eu l’occasion d’en voir certains face à Michel ONFRAY, qui, aussi embourbés que lui dans la logique classique, ont été incapables de faire valoir la dimension que méconnaissent les discours du maître et de l’universitaire, et qui est déterminante pour le discours analytique, à savoir le réel entant qu’il assure la présentification de l’absence et soutient la fonction signifiante, afin d’accéder à la littoralité , inconcevable pour la fixité bilatère, alors qu’elle est caractéristique de la raison freudienne , capable de mettre en continuité et d’homogénéiser globalement ce qui est différent localement (hétéros). Ainsi, la singularité n’est plus confondue avec l’individualité solipsiste et béate, voire débile. Elle permet de sortir des ornières de la ségrégation et de la xénopathie, contenues dans ces escroqueries sanitaires, qui aggravent la psychose sociale en s’institutionnalisant et en utilisant tous les pouvoirs octroyés par l’ordre social pour anéantir l’inconscient, sans lequel d’ailleurs la conscience dépérit. Les non dupes de l’inconscient, c’est à dire les canailles et les débiles, pillent le corpus analytique pour vider le discours analytique de sa substance et restaurer les discours qui font la part belle à la mégalomanie et à l’hypertrophie du moi, en même temps qu’ils accentuent le malaise de la civilisation, associé à celui de chacun.
Prendre position, s’y tenir en fondant en raison son choix, fait partie intégrante de l’acte analytique, qui, à défaut de penser pour le souffrant et faute de panser sa faille, favorise le « bonheur(t ) », en articulant cette dernière à la signifiance. C’est parce que la conscience (le moi) le contient, que l’inconscient est mis en évidence grâce à cette position, qui met en œuvre un principe induit par l’unarité : pas de moi sans l’inconscient, quelles que soient les bévues produites, et qui visent à exclure cette logique asphérique ou unilatère, insupportable aux adeptes de l’humanisme, nourricier de la psychose sociale. En effet, tous les jours, on assiste au déversement de tombereaux d’inepties à propos de la filiation, de l’origine, de l’identité, etc. Le bric-à-brac psychiatrico-psychologique, malgré l’affichage ostentatoire de son humanisme béat , alimente les théories consensuelles, grosses de ségrégation, voire de racisme, d’autant qu’elles sont soutenues par des secteurs de la science, comme certaines franges de la biologie, pour exclure la division subjective et accentuer la débâcle psychotique, encore plus dominante et encore plus oppressante, au service du capitalisme et de sa réification mortifère. Dénoncer sans cesse les impostures théoriques, qui imputent au discours analytique ce qui n’a rien à voir avec sa structure, mais qui provient de ses dégradations et pervertissements idéologiques, lesquels prétendent s’identifier à lui, fait partie de l’acte analytique. Maints idéologues pragmatistes, qui se croient psychanalystes, aspirent à être reconnus par les maîtres de la doxa anti-freudienneet contribuer en retour à l’oppression totalitaire, issue des idéologies de la modernité, qui promeuvent la « démocratie libérale » et l’autonomie individuelle, sous couvert de défense de l’inconscient, qui n’a fondamentalement rien à voir avec elles. (Cf. le fameux « groupe de contact » qui a fini par inclure la psychanalyse dans le « pot-pourri » des psychothérapies, et tout dernièrement, la prise de position publique de la revue de psychanalyse « Insistance » pour soutenir la candidate (écologiste) qui a rallié le camp des « conservateurs », à l’occasion des élections présidentielles du Brésil. L’affaiblissement du discours analytique par ses prétendus défenseurs, qui veulent l’adapter aux canons de la modernité, sous prétexte de le répandre sur la planète, rejoignent la débilité de la doxa dominante : ils régénèrent la vieille psychologie essentialiste, à visée ontologique, par le pillage du corpus conceptuel de la psychanalyse. C’est ainsi qu’une Elisabeth ROUDINESCO nous conseille des « cures brèves », pour nous conformer à la modernité et à ses chefs de file qui, au lieu de désêtre en étant les dupes de l’inconscient, « d’hommestiquent » ce dernier pour l’adapter à la seule « norme mâle », omnipotente, dont les effets sur le plan théorique, se manifestent à travers nombre de confusions, comme celle qui règne entre unité et totalité. Faute de penser « freudiennement », comme nous l’a enseigné LACAN, en mettant à notre disposition le concept d’unarité, qui ne conçoit aucunement l’harmonie collective dans la réciprocité entre individus autonomes et souverains, mais envisage de séparer et de distinguer localement , à partir de l’irréductibilité de la division subjective, pour nouer de façon moebienne et assurer ainsi une homogénéité globale, qui inclut constamment l’hétérogène, les dérives pathogènes de l’institution deviennent non seulement fréquentes, mais se chronicisent dangereusement pour apporter une réponse thérapeutique correcte et satisfaisante à ceux qui la sollicitent en tant que pourvoyeuse de soin.
Tenir compte de la division subjective n’est pas un slogan ou un mot de passe pour reconnaître les siens. En tenir compte, c’est alimenter en analyses et en élaborations théoriques diverses les tensions, qui font disensus, pour que la conflictualité consensuelle progresse en même temps que l’institutionnalisation régresse. La convergence consiste à rapporter chaque approche différente à ce qui l’autorise, à savoir la structure signifiante, dont le primat, s’il est respecté, peut nous faire gagner en désêtre, afin que le plus de jouir imprègne notre pratique, et la rende sensible à la lettre, comme marque, comme trace ineffaçable du non rapport, issu du refoulement primordial et de la forclusion de das ding (la Chose). C’est à partir de cette base solide (consensus) qu’il est possible de reconstruire sans s’enfermer dans les restaurations d’anciens discours,lesquels s’avèrent toujours au service de cette folie qui consiste à se décharger de la responsabilité des conséquences et des effets de sa parole. C’est celle-ci qui permet à chaque être parlant, pour peu qu’il se respecte en tant que tel, de remarquer qu’il peut être parlé, qu’il dépend dès lors d’un Autre, soit l’inconscient, dont il n’est d’aucune façon maître, quelles que soient les parades (symptômes compris) qu’il met en place pour le refuser. L’institution dite soignante n’est digne de cette qualification, que si elle ne participe pas à la mascarade, organisée par certains de ceux qui lui assignent la tâche d’avaliser leur « fausse » identité, perdus qu’ils sont dans une quête ontologique, vaine et compromettante pour les objectifs thérapeutiques. Rassurés quant à leur(s) postures-parades contre l’inconscient, ceux-ci poussent au détournement de l’éthique du soin en pervertissant l’inaptitude structurale à être (impossible) et en faisant obstacle à l’avènement de la subjectivité en tant qu’elle est garante de l’existence. L’organisation groupale et la « colle imaginaire » aidant, la notion d’équipe (disensus/consensus) est battue en brèche, et au lieu de la violence symbolique qui est censée se concrétiser par la destruction des conceptions des uns et des autres, ce sont les attaques personnelles qui prennent le pas et accentuent la mise en échec de la prise en compte de la signifiance et de l’insaisissabilité du réel, facteur d’incommensurable, d’incalculable et inducteur de l’indécidable, inhérent au ratage.
Ceux qui ont eu à évider leur fantasme dans le cadre de leur cure, en même temps qu’ils ont eu à évider les constructions et autres théories qu’il les a incités à épouser, peuvent témoigner que l’échec de l’intention consciente assure le succès de l’intension subjective, conférant à la parole sa valeur d’acte, qui engendre un réel nouveau, dont l’échappement et l’insaisissabilité permettent de déconstruire des réalités, et de leur apporter des modifications et des nouveautés, associées à l’advenue du sujet. Ainsi, si l’échappement est commun, sa prise en compte et sa restitution (toujours métaphorique) sont différentes, particulières. C’est lorsque la métaphorisation rendra compte de la métonymie , en la nommant sans prétendre y mettre un terme – qui l’achèverait -, que la singularité (rapport identité/différence) pourra être préservée .
Amîn HADJ-MOURI
Octobre 2014
Réponse à une remarque
Cher Jean SIBEUD,
Je te remercie de t’être fait « l’avocat du diable » en adressant oralement à mon texte, que tu n’avais pas fini de lire, une remarque, que je résumerai ainsi : en dénonçant comme tu le fais le discours du maître (DM), est-ce que tu ne tombes pas toi même dans son piège, dans le travers que tu dénonces ? Autrement dit, est ce que tu ne prônes pas le D.M, sans t’en rendre compte ?
Je traduirai cette remarque en problème logique, qui permet d’en finir avec la vulgate lacanienne, laquelle prend le DM en mauvaise part, de façon complètement imaginaire, au point de non seulement de le disqualifier mais aussi de l’éradiquer. D’ailleurs le voudrait-on, qu’on se heurterait inévitablement à un impossible, puisque le discours analytique (DA) en procède. Le DA le subvertit en l’évidant, à partir des éléments et arguments qui le composent et qu’il contient (retient), en lui rappelant ce qu’il oublie et méconnaît : le vide qui le fonde, et qui est inhérent à la fonction signifiante, dont il ne peut se départir quelle que soit son hégémonie.
Ce vide n’est rien d’autre que l’écart que le signifiant impose dans ses rapports avec le signifié, par lequel se produit ce qui échappe et qui reste hors de portée, quoi qu’on fasse. Il y a certes des matérialisations qui donnent corps à l’échappement. Mais elles n’y mettent pas fin. Elles concrétisent seulement le mouvement inexorable de ce qui reste immaîtrisable, et dont on a les traces (matérielles).
Rappeler et soutenir le propre du DA, c’est à dire sa spécificité qui met l’accent sur le vide, et n’en démord pas est une question d’ordre éthique, qui tranche avec la mièvrerie ambiante, où tout équivaut à tout, pourvu qu’il s’agisse du tout. Si FREUD a assimilé sa découverte à la révolution copernicienne, et l’a défendue bec et ongles, même contre ses plus proches élèves – comme JUNG-, c’est bien pour protéger l’inconscient (« sa peste ») des assauts de la logique classique et de toutes ses idéologies, qui sans être exclues, sont à l’image de symptômes névrotiques, en tant que constructions-manifestations nécessaires à la démonstration du malaise qu’engendre le défaut, corrélatif du vide. La résolution de FREUD et son acharnement à fonder plus avant le concept d’inconscient, bien souvent confondus avec de l’autoritarisme, ont permis qu’un LACAN poursuive dans sa veine , et nous « immunise » contre l’ego-psychology, qui faisait rage, avec la collaboration d’Anna FREUD, d’ailleurs.
L’histoire des sciences est assez riche et instructive à cet égard : il n’est qu’à voir les attitudes et positions d’un GALILEE, comparées à celles d’un Giordano BRUNO). Par ailleurs, l’histoire du zéro dans l’évolution des êtres parlants nous montre bien que, même si personne ne conteste aujourd’hui, son existence et sa fonction, il n’en reste pas moins que certains l’utilisent dans une logique binaire (informatique par ex) et d’autres le « subliment » pour inventer Rosetta et Philae. Ces « exploits » confirment par là même l’inconscient, car sans la fonction signifiante , c’est à dire l’opérativité du zéro comme vide, elles n’auraient pas vu le jour. Cela ne suffit pas pour autant, car leur succès participe à l’émergence d’un discours (du maître) qui oublie et méconnaît, voire refuse de prendre en compte ce qui les a engendrés. Heureusement que ceux qui le tiennent, rajoutent que l’infini et l’indéfini persistent et perdurent. N’est ce pas là une belle illustration de l’inconscient au sens freudien, pour lequel il vaut la peine de se battre !
Comme les discours, dont LACAN a écrit quatre mathèmes auxquels il a ajouté celui du capitaliste, ressortissent à son travail, qui vise à fonder la découverte freudienne pour en consolider la logique, il serait simplement utile de rappeler que le DA est l’envers du DM. Alors que dans le DM, l’objet a est en place de produit, dans le DA, il est en place d’agent. Cette différence fondamentale fait qu’ils ne peuvent être confondus, si tant est qu’on soit sensible à la topologie du sujet. Ces discours sont dans un rapport caractérisé par le fait que l’un ne va pas sans l’autre, même si l’un et l’autre impliquent deux logiques différentes, dont l’opposition est dépassable : toutes les deux partagent le même vide fondamental, dans lequel elles s’enracinent : l’une a tendance à l’oublier et en forçant , finit par montrer ses limites et son malaise, et l’autre ne cesse pas de le lui rappeler, sans l’exclure, mais « sans lui faire de cadeau », qui plus est empoisonné !
Le discours de la conscience, celui qui est tenu (et qui tient) par le moi, privilégie la logique classique (bilatère/sphérique) pour refuser l’inconscient (unilatère/asphérique), qui, lui, n’exclut pas cette dernière, mais l’ébranle et la subvertit en lui rappelant ce qu’elle oublie et qui la fonde, tout en lui échappant. C’est cette logique qu’il ne faut en aucun cas lâcher, quelles que soient les polémiques stériles, qui préfèrent l’hégémonie du moi, que vient contrer le symptôme, en faisant échec à la suture du vide, qu’il met au jour tout en le dénonçant. C’est pourquoi, les tenants de la « folie de la guérison » s’acharnent sur lui, et vont jusqu’à saturer la suture, au risque de l’aggraver et de le chroniciser. Pour éviter les confusions les plus graves, conséquentes au choix d’un discours, correspondant à une position subjective, pour favoriser les éclipses et les ellipses du sujet, rien ne vaut une sérieuse cure (analytique), qui assure d’être à côté des pompes, dont la logique sphérique nous chausse, pour nous « faire tourner bourrique » !
S’affranchir du DM, (qui n’est pas anéantissable) ne consiste pas à « faire du chiqué » en annonçant par exemple qu’on n’a pas réponse à tout, ou qu’on ne peut pas prétendre à l’exhaustivité. Cette posture de modestie est feinte et fausse : se servir du DA, qu’on sert par là même, consiste en vérité à mettre en œuvre fidèlement sa structure, qui promeut le « pastout », corrélatif de la fonction signifiante, engagée dans n’importe quelle élaboration. Et c’est cela qu’il ne faut pas concéder, ni brader, sous aucun prétexte !!!! Car, comme le spécifie bien LACAN, le discours est un lien social. (Cf.Télévision)
Amîn HADJ-MOURI
08 décembre 2014