Dans le texte suivant, nous trouvons les propos de Jean-Claude FAUVIN écrits en rouge et ceux d'Amîn HADJ-MOURI écrits en noir. Le Début -en italique- rappelle le titre du texte d'Amîn HADJ-MOURI à retrouver sur ce lien. Ensuite, on retrouve le texte avec les commentaires de Jean-Claude FAUVIN...
Il n’y a pas d’éthique (je suppose qu’il s’agit d’éthique psychanalytique, et que c‘est une élision. Mais cette élision, en mettant à la place de toute éthique l’éthique psychanalytique, résume assez bien en quoi la psychanalyse peut apparaitre terroriste. Ce qui est un raccourci normal et souhaitable de la cure, le déplacement des investissements du monde sur l’investissement du transfert et de la cure, devient un effacement du monde si elle est affirmée en dehors, comme devant faire loi d’organisation de celui-ci)
sans radicalité du discours analytique ( «le discours psychanalytique» amalgame la pratique et de la théorie, et tout le monde n’en a pas la même conception. Certains parlent surtout du discours théorique de Lacan, d’autres de ce qui permet que la psychanalyse produise des effets par le psychanalyste se retrouvant en position d’objet a, tout le monde n’étant pas non plus d’accord sur les effets à rechercher)!
Ou quand on a « les portugaises ensablées », le baroque n’est pas à la fête. (Déclaration séduisante, assez imprécise pour prétendre que les autres ne sont pas ce qu’il faut, c’est-à-dire capables d’entendre ce qu’il faudrait pour relever de la psychanalyse. C’est une version originale du classique: tu ne dis pas comme moi car tu n’as pas saisi l’essentiel de la psychanalyse )
Je réponds ici à une interpellation provenant d’un collègue de Dimpsy, lors de la réunion de la Lysimaque du dimanche 17/01/16. Il me laissait entendre que certains de mes écrits, si je l’ai bien compris, pouvaient passer pour radicaux, et partant terrorisants, voire terroristes. Comme nous en avons convenu ensemble, j’attends son ou ses écrits à propos de cette interpellation.
(Je me suis permis de reprendre en aparté avec toi ce que tu disais, que certains entendaient tes écrits commeterroristes, puisque je les entends aussi ainsi, malgré le fait que j’en approuve des parties, mais d’après mon souvenir sans le lien que tu établis, à juste titre, avec la radicalité. Je pensais que nous en reparlerions d’une manière plus confidentielle. Je t‘ai répondu cela car c’est une pente facilement présente à Dimensions de la psychanalyse, qui inhibe mon désir de m’y adresser, alors merci de cette occasion, qui me permet de clarifier officiellement mes idées sur ce point)
J’anticipe le débat en me demandant qu’est ce qui permet
d’associer radicalité et terreur, à l’heure où la radicalisation a mauvaise
presse, au sens où elle devient synonyme de terrorisme, de ségrégation
avec élimination physique ?
(L’association me semble un rejeton, réactualisé par l’islamisme, de cette idée apparue en occident au 20ème siècle, suite à ses atrocités, que les intentions politiques les plus prometteuses, se soutenant d’idéaux, génèrent des camps où meurent des millions de personnes, politique d’extermination décidée ou pas. Ce que tu appelles la radicalité pourrait n’être que le développement rigoureux de la théorie. Mais la prétention à dire ce qui devrait être au nom d’un principe, et la condamnation de ce qui n’est pas conforme à l’Idée, en font autre chose. Lorsque l’Idée prime sur l’interdit de blesser, maltraiter, humilier et tuer chaque individu, elle glisse facilement, dans les actes politiques, à la condamnation et au meurtre de masse.)
Pour se prémunir contre l’inhibition intellectuelle, liée au coinçage
dans un raccourci qui confond radicalité d’un discours et radicalisme
idéologique, il s’agit de préciser en quoi ce « qui a rapport au principe
d’une chose » (Dictionnaire étymologique de Bloch et Von Warburg), se
distingue fondamentalement de l’adhésion fanatique à une conception,
qui croit avoir résolu cette question en la refoulant, engendrant par là
même un fanatisme mortifère (jouissance totalitaire).
(Manque dans ton choix de définition de ce terme les idées de fondamental, de nature profonde, d’essence, de caractère absolu, total, définitif, intransigeant, jusqu’au-boutiste, intégral et sans nuances, de principe très énergique et efficace pour combattre une chose, de faire table rase du passé, en modifiant les causes profondes) En effet, la radicalité renvoie à la racine et à l’enracinement/déracinement. (Etymologiquement, oui. Cette réduction à la «racine» situe bien le problème pratique de la théorie qui se pense comme la racine du monde, le plus vrai, plus important, ce qui se cache derrière l’apparence phénomènes qui eux ne sont que contingents, ce qu’il n’y aurait qu’à suivre pour modifier l’état du monde, sans plus de référence aux pratiques concrètes où ces théories ont pris leur sens)
Et , s’il est un discours qui rompe avec les sornettes
identitaires, pour affirmer contre vents et marées, l’enracinement
signifiant irréductible de l’être parlant, c’est bien le discours analytique, si
tant est qu’on l’invoque pour mettre en évidence et ne lâcher d’aucune
façon ce principe essentiel. (Là, je sursaute, car la condamnation de l’identitaire ne résout pas celle de l’identification dans le langage,. S’affirmer d’un discours ne résout pas la violence collective, éventuellement limitée au verbal, s’organisant autour de l’identité. Nombre de psychanalystes déclarés ont un dire qui dément les énoncés sur lesquels ils disent se fonder, pour défendre leur position de psychanalystes, et cela touche des questions d’identification revendiquée. Dernier en date vu dans les courriers mail de Dimpsy, deux affirmations écrites en deux temps différents mais proches: «on ne peut pas écrire «les psychanalystes»» car «le psychanalyste, ça n’existe pas, puisque c’est le patient et la pratique de la cure qui le fait psychanalyste»», suivi de l’affirmation peu après que les autres ne sont pas psychanalystes puisqu’ils défendent une position que l’on condamne, et que nous le sommes, nous, puisque nous défendons l’affirmation contraire. C’est une situation courante, dont la répétition se repère au-delà des thèmes sur lesquels le dire dément les énoncés, un fait de structure dont il est difficile de se prémunir, et dont la prétention à y avoir échappé par son ancrage dans le discours psychanalytique est le plus sûr moyen de s’aveugler sur ce qu’on fait, dés qu’on défend un discours sur la psychanalyse, et que l’on s’affirme comme légitime pour en parler, psychanalyste éventuel]
Aussi, si certains textes apparaissent
comme terrorisants pour certains, c’est vraisemblablement parce qu’ils
mettent au jour chez eux cette outrecuidance, qui consiste à masquer le
pervertissement du discours analytique derrière une « victimisation » de
mauvais aloi. « …L’homme pense débile, d’autant plus débile qu’il
enrage … justement de s’embrouiller. » (LACAN. Lettre de dissolution de
l’EFP.1980).( je ne sais pas de quoi tu parles lorsque tu lies le «pervertissement du discours analytique», dont je ne sais pas où il commence lorsque tu rencontres quelqu’un avec qui tu n’es pas d’accord, et la «victimisation de mauvais aloi». Il y aurait besoin d’exemples pour mieux saisir l’empan de ta condamnation. Mais à trouver tes textes problématiques pour une certaine violence, je me retrouve à relever des «certains», même si ton «vraisemblablement» peut ouvrir à d’autres possibilité que l’interprétation univoque et condamnatrice où tu les résumes)
La radicalité du discours analytique procède du tranchant des
concepts qui le constituent et déterminent une pratique donnant lieu à un
acte dont le type de coupure qu’il génère, fait horreur. ( C’est ici typiquement un énoncé terroriste, qui par principe établit deux camps, résumant la psychanalyse (par l’amalgame que je signale plus haut sur le «discours analytique») à sa radicalité et condamnant ceux qui refusent de se fonder sur le principe que tu énonces à l’inverse de ce que tu affirmes faire. La pratique de la psychanalyse consiste à faire apparaître les contenus inconscients jusqu’à l’histoire de la constitution de l’appareil psychique, versus Freud, et le fondement du sujet dans le signifiant et dans l’objet, versus Lacan, version théorique apparue très longtemps après la fin de sa cure pour ce dernier, c’est-à-dire pas comme un résultat direct de celle-ci. Mais il est recommandé d’oublier les concepts pour mener une cure, même si finalement on constate les avoir suivis, et qu’ils ont leur pertinence pour conclure les cures. Lacan a été radical dans sa condamnation des autres théories, surtout à partir de son exclusion des didacticiens, qu’il a appelée «excommunication», donnant un accent religieux à l’affaire, et en conceptualisant la cure avec la visée de sa conclusion véritable, autre que thérapeutique. Mais la pratique psychanalytique est bien plus que la situation finale résumée par le psychanalyste en position d’objet «a». Nous nous retrouvons là à parler de pratique d’une manière générale, à la suite de ton énoncé, et c’est bien là que le bât blesse, que le rassemblement en une unité formulée ne rend pas compte de tout ce à quoi ouvre la psychanalyse, même si on n’en retient que les cures. Un auteur comme Castoriadis, signale le danger de déterminer complètement la fin de l’activité psychanalytique, sans plus de référence à la pensée de celui qui y cherche un changement)
C’est ce qui explique à mon avis les différentes tentatives
qui, sous prétexte de faire évoluer la psychanalyse, finissent le plus
souvent par émousser le tranchant des concepts pour l’adapter à des
conceptions idéologiques dont la prétendue ouverture se résume en
vérité à la fermeture du principe essentiel : le primat du signifiant. ( Je suis partiellement d’accord sur ce constat. Les différentes tentatives de conceptualisation qui veulent innover émoussent des concepts freudiens ou lacaniens, en dehors de ce pour quoi elles ont été conçus. A suivre ces développements, cela finit par une perte de la psychanalyse freudienne ou lacanienne. On peut dire cela de tout successeur de Freud, et même de Lacan sauf que celui-ci a proposé une théorie qui est à la hauteur de celle de Freud, et qui la fonde autrement. Et alors? Ce qui prime n’est pas pour moi les concepts et pas «le primat du signifiant», dont je te rappelle qu’il n’est que celui du signifiant sur le signifié, qu’il n’empêche pas les rapports borroméens du symbolique avec le réel et l’imaginaire, et que Lacan est un exemple de ce qu’il ne sort pas directement des seules cures. La théorie psychanalytique n’était pas supposée avec Freud fonder une primauté théo-rique sur le monde, au nom de ce qu’on le voudrait plus proche d’un idéal, grâce à la psychanalyse, que ce qui existe réellement pour l’instant. A partir de la théorie psychanalytique de Lacan, on parler de tout sans avoir de pratique sur ce dont on parle. La théorie s’en retrouve idéalisée, divinisée dans sa prétention à fonder une vision, une lecture ou une écoute différentes.
La primauté du signifiant n’apparait que parce que le psychanalyste la fait apparaitre, pour certains effets, et dans les cures généralement. L’aspect toujours surprenant et scandaleux pour celui qui le découvre disparaît lorsqu’il est devenu le simple principe d’une théorisation parlant de tout, et devient totalitaire si tout se juge à partir de lui: Cette affirmation théorique se met à condamner les pratiques cherchant à se régler sur le signifié, comme toute activité humaine démocratique.)
S’appuyer sur ce principe en ne le lâchant d’aucune façon, correspond certes à une position radicale. ( Je suis convaincu, par mon expérience, que le sujet s’organise à partir de traces mnésiques qui sont prises dans une logique de signifier, dont rien ne se transmet sans la logique du langage et le rapport de parole, accepté ou refusé, et la rétroaction qui fait que ce qui semblait ne pas se manifester fondait déjà un après-coup . Tout est donc signifiant, même si le sujet le refuse. Mais s’affirmer radical à partir de cela me semble le plus sûr moyen de ne pas avoir à s’expliquer sur comment on finit par tomber régulièrement dans une pratique psychanalytique sur le bien fondé de cette affirmation, alors que la psychanalyse permet de retrouver et si possible transmettre des conséquences de cette formule. Le physicien n’a pas à défendre les lois de la physique pour que celles-ci se retrouvent pour quiconque cherche à les découvrir à son tour, suivant une logique de démonstration avec des expériences. Jusqu’à preuve du contraire, possibilité ouverte de principe, les lois de la physique sont justes, conformes aux faits établis, et elles posent des problèmes au lieu de se présenter comme des formules définitives. Mais la psychanalyse traite de ce que le sujet refuse: dès qu’on prétend en avoir la formule définitive, on la quitte en devenant l’imposteur qui sait pour tous. Je tempère toutefois ce jugement de ce que je ne tiens pas pour rien le fait que nous soyons si peu nombreux et si inaudibles: cela fait partie du dispositif de langage que nous générons, et la violence de nos jugements n’est pas si terroriste car elle ne génère pas d’actes autres que ceux d’un appel au transfert, malheureusement peu différenciable dans sa structure de celui des autres discours qui prétendent détenir la vérité )
Mais elle s’avère
indispensable pour l’acte analytique dont l’horreur provient de ce que la
fonctionnalité du vide (objet a en place d’agent dans le D.A) est ruineuse
pour toutes les illusions qui empêchent l’advenue de la signifiance afin
de constituer et de renforcer des écoles/colles groupales bien adhésives,
voire bien bétonnées.( Je suis d’accord avec cela si tu n’en fais pas une religion ou une pratique intolérante, qui colle et bétonne à son tour autour du refus de son ignorance)
Les inflexions qu’on veut infliger au D.A existent depuis la
naissance de la psychanalyse (cf. la critique par JUNG de
« l’autoritarisme » de FREUD, qui a –heureusement pour nous- défendu
jusqu’au bout la radicalité des concepts qu’il a construits). ( Tu choisis Jung, avec lequel le maximum d’entre tes lecteurs, dont moi, ne sommes pas d’accord. Mais tous les autres psychanalystes qui ont innové pour faire face à des situations cliniques ont agi, pensé et éventuellement écrit des idées partiellement différentes de celles de Freud, de Lacan. Lacan aussi avec Freud. René Lew avec Lacan et Freud. «Le discours analytique» n’est pas un concept freudien. Même si on peut trouver chez Freud les raisons d’en soutenir l’écriture, cela n’empêche pas que cela constitue une dérive visible par exemple dans le fait que le «psy» en est élidé couramment, suggérant la question de pourquoi parler encore de «psy»-chanalyse avec Lacan, plutôt que de «analyse du sujet» par exemple, puisqu’il a tant critiqué tout ce qui est «psy» pour promouvoir sa théorie du sujet, tout en utilisant les avancées de la psychologie pour en changer l’analyse. Alors, puisque tous les autres que Freud qui se disent freudiens soutiennent des idées différentes de Freud, ou si tu préfères, tous les lacaniens qui développent suffisamment leurs théories finissent par énoncer des idées et des positions visiblement partiellement différentes de ce qu’a dit Lacan, vas-tu tout jeter au nom de la radicalité signifiante, ou feras-tu un détour par ce à quoi cela sert, ce que cela produit effectivement? Ne pourrais-tu pas introduire l’idée de temporalité dans ta conception, qui me semble rigidifier la théorie dans un intemporel éternel et condamner un mouvement nécessaire? Et là, je ne reconnais plus la psychanalyse, dont le «tout dire», sans s’arrêter devant un interdit, même celui du savoir que c’est faux, permet occasionnellement de découvrir ce dont on n’avait aucune idée précédemment. Ce tout-dire est problématique dans le champ des affirmations théoriques faites publiquement, mais il n’en reste pas moins fondamental. En condamnant l’expression spontanée d’une idée que l’on sait fausse, on ne peut pas découvrir pourquoi on a envie tout de même de l’énoncer. Eviter de se retrouver à «dé-conner» en public comme en parlait Lacan, c’est-à-dire ne plus connaître, est le principe même du refoulement, et si c’est nécessaire à la vie en société, et des fois à la survie, ce n’est pas la psychanalyse.)
Elles continueront faute
d’approfondissement de l’évidement qui, en mettant en avant l’aliénation
symbolique, non seulement permet le décentrement, mais aussi la levée
de la confusion de celle –ci avec l’aliénation sociale, qui fait tout pour
que le défaut de rapport sexuel, inhérent à l’ordre symbolique, soit
forclos. (L’aliénation sociale renforce la négation de l’aliénation symbolique et son réel posé par Lacan comme ‘il n’y a pas de rapport sexuel». Mais le «Il n’y a pas de rapport sexuel» est un produit interne à la théorisation de Lacan, répondant à sa propre affirmation antérieure de l’équivalence du désir et de la loi, moëbienne, mais qui pouvait s’entendre comme une promesse de réalisation heureuse. Plus freudiennement, on peut dire que les conflits entre personnes, sociaux, tendent à cacher les conflits intrasubjectifs. La forclusion qui alimente l’aliénation sociale n’est que celle du sujet par la science, elle-même réduite à son idéologie par les discours sociaux. Les autres discours nient autrement, ce qui génère des possibilités de reconnaissance partielle. Le rapport sexuel a de tous temps posé des problèmes que l’idéalisation actuelle de la sexualité et de sa promesse, libérée par la forclusion du sujet, permettent d’oublier. Mais ce qui justifie de parler de rapport sexuel de cette manière, «il n’y a pas», ne se conçoit que dans une logique mathématique. Poser l’aliénation sociale comme quelque chose qui « fait tout pour que le défaut de rapport sexuel, inhérent à l’ordre symbolique, soit forclos», est personnifier curieusement ce concept ou cette réalité, mises en place de vouloir la forclusion. Ce n’est pas faux si on le réfère aux individus, institutions et discours concrets, mais nous nous retrouvons là avec un être de la théorie curieusement personnifié, psychologisé, petite divinité agissant des souhaits mauvais. Cela débouche sur une question: qu’appelles-tu «approfondir
l’évidement»? Serions-nous passés d’une conception de la théorie
psychanalytique où il s’agissait de dire les particularités inconscientes de
l’organisation d’un sujet ou d’un regroupement clinique de sujets , à une
affirmation d’une vérité centrale, «l’évidement qui met en avant
l’aliénation symbolique», qu’il y aurait à «approfondir», comme une levée
de la méconnaissance qui n’aurait plus le projet de contrer dans la cure
et par des discours théoriques la tendance à la négation en nommant
cette tendance, mais aurait pour projet de dénoncer les sujets de cette
méconnaissance comme cause du mal sur terre? )
Ainsi, les critiques et les déconstructions de conceptions qui
véhiculent explicitement et implicitement cette tendance, sont loin d’être
équivalentes entre elles : si certaines font valoir le primat du signifiant,
d’autres par contre, n’en tiennent aucunement compte. Il va sans dire
que les effets en sont fondamentalement différents : le refoulement, au
mieux, de l’aliénation symbolique favorise l’aliénation sociale en tant
qu’elle met à mal le sujet. ( Je suis d’accord avec l’idée de différencier les textes suivant ce qu’ils font et ce qu’ils visent. Mais les savoirs fondés par l’antiquité grecque procèdent d’une tentative de nommer des catégories différenciées, prédicatives et ne se retrouvant pas l’une dans l’autre, donc bilatères, et la tentative de se mettre d’accord sur des faits ne peut que passer par des moments où on tend à minimiser l’implication subjective pour les établir. Tout jeune enfant idéalise avec ses parents cette possibilité, en leur imaginant une toute puissance. Mais aucun collectif humain, aucune parole possible, ne se passent de cette nécessité d’un fond commun d’énoncés pris comme des faits réels, le fondement de la réalité partagé même si c’est réduit à dire qu’il n’y a rien de commun du moment qu’une pratique commune s’en institue, avec une communauté de monde sans laquelle il n’y a même plus de possibilité de ne pas être d’accord. La notion de vérité, malgré toutes ses acceptions très diverses, nomme cette possibilité de dire «je suis d’accord», ou «je ne suis pas d’accord», si un cadre de parole est maintenu plutôt que de passer à l’acte pour imposer ses signifiants. ]
Et ce n’est pas parce que celle-ci incite à l’excès extensionnel, sous forme
d’une accumulation de savoir à visée obturante, qu’elle favorise
l’ouverture. [ De quel savoir s’agit-il ? Y a-t-il des savoirs à condamner, des livres à brûler ou censurer? Pour quelle ouverture? Je ne sais pas de quoi tu parles là, même si je pense qu’il y a de multiples conceptions piégeantes par leur fausseté relative qui finit par produire des effets néfastes. Ce propos va dans le sens de la crainte qu’inspirent à beaucoup de monde tous ceux qui brûlent les savoirs qu’ils désapprouvent, leur reprochant de ne pas avoir les vertus de celui qu’ils soutiennent.]
Au contraire, c’est la radicalité du principe et de la
structure signifiante qui permet de considérer que ce n’est pas
uniquement la multiplicité des conceptions bilatères qui est importante
pour accéder à l’ouverture, mais bien la manière dont chacune
s’organise pour intégrer la dimension qui lui échappe, et ainsi faire valoir
l’unilatère. ( Je suis d’accord sur le fait que la psychanalyse a affaire à la
structure qui unifie ce qui parait habituellement divisé au moins en deux,
et je te remercie car cela m’éclaire sur ce que j’aurais dû mieux préciser
antérieurement. Tu écris « ce n’est pas uniquement la multiplicité des
conceptions bilatères qui est importante », d’accord avec ça, mais à partir d’où condamnes-tu les savoirs se fondant du bilatère, alors que l’établissement de faits reste nécessaire à une démarche se réclamant de la science, et même dans le champ de la psychanalyse? Sommes nous passés d’une idée régulatrice de la vérité, dans toutes ses définitions possibles mais avec cette conséquence pratique simple, organisable en démonstrations, que chacun peut dire «je ne suis pas d’accord» lorsqu’il entend ou lit une affirmation qu’il désapprouve, désaccord qui doit s’argumenter lorsqu’il s’agit d’un débat d’idée, à une vérité révélée dont la défense nécessite la dénonciation des personnes et la condamnation des démarches ne correspondant pas à la bonne, celle que tu approuves car elle est psychanalytique? Je précise que, à titre de position individuelle, je n’ai rien contre le fait que tu aies besoin de condamner pour entrer dans un débat d’idée, c’est nécessaire à une démarche de pensée qui aboutit à un jugement. C’est à titre de pratique collective, qui fait taire et s’exonère ainsi de ce dont «on» ne veut rien entendre, en n’ayant pas à demander à l’autre pourquoi il dit ce qu’il dit, que je ne suis pas d’accord et condamne à mon tour ce qui transforme la psychanalyse en pratique sectaire )
Si tant est que ce dernier
représente pour certains, une dimension essentielle du D.A., d’autres,
qui s’échinent à trouver pour leurs semblables, grâce à la psychanalyse,
des attributs, des prédicats qui les complèteraient tant, si bien qu’ils
achèveraient le sujet, comme négation, pourtant indispensable au moi.
( J’aurais besoin d’une étude développée de textes des «certains», pour que ce ne soit pas une dénonciation proliférante, et que l’achèvement soit avéré. Le moment où tu trouves qu’un exposé exclue la psychanalyse doit être précisé, d’autant que le critère ne peut pas être celui de l’emploi de certains termes si l’on suit Freud. Pour lui, c’est au niveau de la pratique que la psychanalyse se juge. Tout prédicat concernant un sujet est-il contraire à la psychanalyse ou au discours psychanalytique ? Les deux sont-ils d’ailleurs équivalents pour toi? Et pourquoi le registre de l’explication ne suffit-il pas, en la matière, pour distinguer au nom de quoi on considère qu’une théorie sort du champ de la psychanalyse? Je répète que je ne dis pas que tu n’as pas de légitimité à partir de ce que tu rajoutes à l’explication, que tu appelles « radicalité », que j’entends comme ton cri qui donne son poids réel au signifiant, mais que c’est au niveau des échanges collectifs que je crois nécessaires de signaler le caractère « terroriste » que cela inclue)
La radicalité du D.A ne requiert pas de dogme établi, voire préétabli, puisque le vide appelé à être fonctionnel, ( «le vide appelé à être fonctionnel» est ce dogme pré-établi, qui n’est pas la conceptualisation de Freud. Ce terme de «dogme» ne serait pas péjoratif à mes yeux s’il ne nommait qu’une proposition fondamentale, un axiome, !10 mais si tu as besoin de «radicalité» pour le défendre, qui est plus que l’appui sur une proposition normative, c’est autre chose) concerne ce qu’il engendre sous des formes concrètes, qui en s’accumulant, finissent par l’oublier. ( Peux-tu donner un exemple de ces formes concrètes ? Je me demande dans quel rapport elles sont à la méconnaissance générées par la perception de soi en une image du corps unifiée. Sontelles des conséquences de ce vide ou de la tentative d’y échapper, ou un mixte des deux dont les relations sont à préciser, avec la question de l’imaginaire? )
La radicalité doit être intense ( Cela est imaginaire, séduisant, et je peux l’illustrer du transfert pour que cela me paraisse juste. Mais le propre de la psychanalyse n’est-il pas que cette intensité, cet investissement dirais-je en restant freudien, concerne le psychanalysant, et pas à priori celui par qui cela a lieu, le psychanalyste, même si cela peut arriver ? Mettre l’intensité à la place du «psychanalyste» ou du «psychanalysant s’adressant à tous» ne produit pas la même chose que le dispositif de la cure. La rigueur intellectuelle, doctrinale et pratique n’a pas besoin de l’affect pour être juste, même s’il peut souvent être là. Celui-ci ne fait que signer le manque à dire du repraesentanz sans vorstellung. Si je n’ai pas compris ce que tu appelles là radicalité, merci de me l’expliquer ) pour que l’échappement fasse lien et mettent en échec les dupes de l’objectivité, qui errent et font mal au sujet ! ( «Ah les salauds!» ? J’aurais besoin d’explications sur la radicalité qui permet que l’échappement fasse lien: Peut-être y a-t-il là quelque chose de juste qui m’échappe, mais je ne vois pas la nécessité de la radicalité, à part en faire pour le «psychanalyste possible» un «se fonder sur l’échappement pour faire lien» dans un rapport de l’échappement au refoulement qu’il y aurait à expliciter. Je précise que je ne tiens pas pour neutre la position sociale d’où on énonce un savoir, j’ai clairement fait des choix en la matière, et le partage entre le psychanalytique et ce qui ne l’est pas me parait très important. Mais cette question me semble plutôt un champ à analyser, explorer et perlaborer, qu’un domaine où on peut séparer de manière manichéenne ceux qui font mal et ceux qui font bien. Ce serait un domaine à approfondir, en admettant la propension à s’affirmer plus savant qu’on ne l’est, si nous voulons sérieusement que la psychanalyse puisse avoir une pertinence sociale, en expliquant les choix et leurs conséquences)
Ils participent aussi bien à l’édulcoration du D.A en dévaluant le « discord » qui garantit la singularité ( Oui, le discord garantie la singularité, mais est-ce uniment la bonne chose que tous doivent toujours soutenir pour autant ? Aller dans ce sens ou pas a beaucoup d’importance collective, et il est important que ce soit fait, continué et légitimé, mais je ne crois pas que c’est en attaquant et dénonçant à priori ceux qui font autre chose qu’on fait mieux. Cela me semble du même ordre, de vouloir collectivement sauver la singularité par un discours insultant ceux qui pensent différemment, que ceux qui se disent qu’il faut terroriser les terroristes ou exterminer les tueurs: on aboutit au résultat inverse de l’effet désiré puisque les actes, violents, leur donnent raison )
et contribue à l’organisation d’un collectif intégrant la radicalité de la structure du symbolique en tant qu’elle permet la mise en continuité de ce qui apparaît dans un premier temps opposé et distinct, et identique dans un temps ultérieur. ( C’est cette temporalité qu’il est violent d’évacuer en condamnant ceux qui pensent différemment dans un temps, sans tenter la démarche de s’expliquer sur pourquoi ils font différemment à un moment donné. C’est le b-a ba de la pratique psychanalytique de ne pas coincer un sujet dans une explication de pourquoi il agit comme il agit, surtout sans lui avoir demandé de s’expliquer autant qu’il peut. Agir autrement revient toujours à une psychologie d’autant plus simpliste qu’on dément en faire, qui devient forcément médisante du sujet non identique à lui-même à partir d’un moment, et calomniatrice si elle s’officialise. La psychanalyse est dans l’inviter à parler de pourquoi on dit ce qu’on dit. Freud n’a pas rejeté les conceptions des dissidents sans ce passage préalable. Il a dialogué avec Jung par exemple, ce qui lui a permis d’expliciter théoriquement le désaccord, et il répondait à Groddeck qu’il était à ses yeux un psychanalyste, quelque soit sa théorisation personnelle, puisqu’il travaillait à partir de l’idée du transfert et des résistances. )
Cette dialectique dépasse les questions liées au rapport entre le particulier et l’universel pour mettre en évidence la singularité, inconcevable, impensable sans la littoralité. Et c’est avec et grâce à cette radicalité que certaines questions s’éclairent en mieux se formulant, ( Au-delà des liens entre la littoralité et la singularité, pourrais-tu éclairer ce dont tu parles là d’au moins un exemple de ce qui est éclairé par plus qu’une explication, par une radicalité nécessaires à tes yeux? Suivre ton idée de radicalité intense n’est à mes yeux pas freudien, quoique lacanien par le style. Je n’exclus pas que ce soit nécessaire pour toi à ta pratique psychanalytique, que cela te permet, à toi, de ne pas oublier l’oubli. Disant cela, je te fais le crédit de ne pas pratiquer la psychanalyse avec une ferveur radicale qui serait à mes yeux non psychanalytique, mais peut-être as-tu une autre idée et estimes-tu qu’il faut pratiquer la psychanalyse dans la ferveur de l’affect militant?)
et partant en rompant avec les spéculations psychologiques qui se font passer pour des élaborations psychanalytiques, parce qu’elles usent de quelques !12 concepts analytiques, très souvent, en opposition avec la logique du discours analytique.
( Lacan a dû s’appuyer dans un long premier temps sur la psychologie pour en arriver à sa théorisation achevée, psychanalytique car méta-psychologique. Le rejet systématisé des formulations psychologiques, dans leur établissement des faits pris forcément dans une méconnaissance initiale, est le rejet pour les autres de ce que Lacan a fait avec le stade du miroir. C’est une très efficace machine de guerre contre les formulations spontanées, et un bon moyen de décourager l’élaboration du ou des points intéressants qui donnent envie à certains de parler d’un phénomène. Comme l’illustre le stade du miroir, c’est de la multiplication des points de vue rigoureux qui fait avancer les conceptions. Le stade du miroir d’Henri Wallon n’est pas invalidé par celui de Jacques Lacan, il reste très utile dans certaines circonstances et certaines pratiques très honorables, mais il ne permet pas de penser tout ce que Lacan a apporté à partir d’une orientation très différente. Ce que je dis là n’exclus pas une limite à partir de laquelle la psychologie est contraire à la psychanalyse, et je suis pour l’explicitation de cette limite, mais cela nécessite plus qu’un jugement à priori sans dialectique avec la position de l’autre, et se juge en fonction de la pratique en jeu)
Heureusement que la radicalité de l’asphérique peut terrifier, voire terroriser la ferveur du totalitarisme sphérique, que promeuvent et préservent nombre de groupes et d’associations d’analystes, pour protéger leurs affidés, des tâches d’évidement du sphérique, qui n’existe que parce qu’il est déterminé par l’asphérique. ( Nous sommes dans le «terrorisons les totalitaires». Pourtant, au regard de ce que provoque le refus de la castration, je ne peux pas me contenter d’une telle visée de terreur, dont les conséquences me semblent en remettre sur le malheur. Je ne te confonds pas avec les terroristes, mais j’y vois une projection spéculaire, reconnaissant un point fondamental mais réduisant toute signification à ce point, appelant ainsi une spirale dans l’horreur. Je désapprouve complètement l’apologie ou la réduction du monde à la terreur ou l’horreur, qui doivent être reconnues lorsqu’elles se présentent mais pas plus que la comique où nous conduit aussi souvent la psychanalyse. Cette position que tu voudrais terrifiante, qui l’est probablement pour certains, est ridicule ou comique pour d’autres. Si elle ne s’accompagne pas de la démonstration du gain que tu trouves à ce qui motive ton jugement, elle devient une apologie de la terreur) La radicalité qu’appelle et qu’implique le discours analytique porte sur l’inépuisable écart entre le signifiant et le signifié, ( Quel besoin d’une radicalité pour le reconnaitre grâce à sa cure et pratiquer ensuite en s’appuyant sur cet écart? Dans mon expérience de !13 tentatives de débats argumentés, la radicalité ne sert qu’à évacuer les propos qui dérangent car ils présentent un bout du réel qu’on tend à rejeter pour préserver la cohérence de ce qu’on a déjà affirmé, en évacuant le moment prédicatif d’une argumentation dialectique n’allant pas dans le sens qu’on reconnait). lequel contribue grandement à bien formuler une problématique, (Il contribue mais ne suffit pas) d’autant que cet écart corrobore le statut de la vérité, qui échappe à tout savoir et le met en échec s’il prétend s’identifier à elle. ( Je suis d’accord avec ça, tout en signalant que le savoir ne pourrait pas exister sans cette prétention à une forme de vérité ) Elle ne tient que par la plurivocité et la pluralité des pratiques, à la condition que celles-ci n’oublient pas le même fondement signifiant qui les rassemble et les détermine. ( Là aussi je suis d’accord, en accord avec Lacan, mais uniquement si tu ne parles que des pratiques psychanalytiques, que tu reconnais que certaines pratiques freudiennes incluent la prise en compte du signifiant sans le théoriser, et que tu ne condamnes pas celles qui ne sont pas psychanalytiques, comme par exemple dans ton article «Des cervelles moisies», où tu mets un romancier dans le même sac que les nazis parce qu’il n’est pas lacanien, reproche reproductible à l’immensité de tous ceux qui ne le sont pas rigoureusement. Quelle est la pluralité que tu dis accepter et même trouver nécessaire à la différence entre vérité et savoir, si tu dénonces ce que font les autres, dès lors qu’ils ne sont pas lacaniens suivant ce que tu agrées de ce terme ? D’ailleurs, le fait même d’écrire des textes qui commentent Lacan montre que le signifiant ne suffit pas)
La radicalité ne saurait être identifiée au radicalisme idéologique sphérique et univoque, qui fait barrage à tout rappel de la structure du symbolique, qui le « troumatise », et partant le terrorise. Aussi, critiquer, par exemple, le capitalisme depuis l’aliénation symbolique n’a rien de commun avec une critique qui reste sous le joug de l’aliénation sociale que ce système génère et consolide [ Je suis assez dubitatif sur cette critique lacanienne du capitalisme, qui ne me semble pas avoir de conséquences pratiques autres que de discours entre lacaniens favorables à la critique marxiste de l’économie. C’est utile pour ceux qui le défendent, mais la confidentialité de ce discours est une partie de sa caractéristique. A ceux qui le tiennent de montrer que ce n’était qu’un temps de préparation avant que des conséquences en apparaissent ! ].
De même, on peut se demander pourquoi la radicalité de l’unilatère effraie-t-elle tant les conceptions bilatères, qui font semblant d’ouverture alors qu’elles s’organisent autour du rejet de l’asphérique ? ( J’approuve la tentative de différencier des discours suivant leur rapport à la méconnaissance. Mais l’opposition «savoirs !14 unilatères / savoirs bilatères» équivaut à «savoir lacanien sur la topologie des surfaces / presque tous les autres savoirs». En dehors d’une logique de secte, cela ne peut se soutenir que à partir de la reconnaissance, par les lacaniens prenant en compte cette partie de l’enseignement de Lacan, des conséquences concrètes de savoirs ayant des points de vue différents, dont presque tout le savoir scientifique, et celle de l’absence de proposition des lacaniens dans la plupart des domaines où ils avancent, où tu dis que la logique de l’inconscient devrait être reconnue. Qu’apporte de nouveau, depuis Lacan, la théorie lacanienne dans les champs des savoirs et des pratiques? )
Toutes les radicalités ne sont pas équivalentes : celle d’une extension (S2), déliée de l’intension (S1), ne vaut pas celle d’une autre extension (S2) qui accorde toute sa place à S1 comme la déterminant. («L’intension = S1» n’est pas de Lacan mais de René Lew, s’inspirant de Lacan et laissant de côté les énoncés en faisant le signifiant maître. Estce cela, éventuellement partiellement, que tu appelles «radicaliser» ? C’est une formulation théorique qui met le S1 à la place où nombre de théories reconnaissent la place d’un sujet, ou d’une subjectivité inéliminable et équivalent à une inconnue, à interroger éventuellement. Quelle place fais-tu à ces formulations qui ne donnent pas la place que nous donnons au signifiant? )
Ainsi, radicaliser la signifiance ne consiste aucunement à radicaliser n’importe quelle extension, quels que soient les atours trompeurs dont elle se pare. Aussi ne faut-il pas craindre les jugements de valeur qui font fi du travail critique effectué, plus contraignant et respectable, mais qualifié/disqualifié de radical, parce que terrifiant et terrorisant pour quantité d’imposteurs, [ «Dérangeant» tout au plus la plupart, il me semble, vu le faible poids que représente ceux qui pensent à partir de la topologie ] unis par une même idéologie [ Cette unification est de toi, relève de ta constitution d’un Autre, et ses conséquences paranoïaques ne doivent pas être édulcorées], qu’ils cherchent à faire passer pour le discours analytique, réduit au rang de « bonne à tout faire » de la psychiatrie et de la psychologie, qui ne souffrent d’aucune façon la subjectivité et sa logique spécifique, radicalement inadaptées à l’entendement que celles-ci mettent en oeuvre, sous la forme du discours médico-psychologique, non seulement hermétique à la moebianité requise par l’inconscient, mais surtout capable, par son impact socio-économique, de tenter d’éradiquer celleci, pour mieux renforcer l’aliénation sociale. ( Je trouve, à imaginer des exemples récents de ce que tu décris là, que s’y amalgament des choses très différentes, dont certaines que je condamne, que tu unifies car ta position en a besoin comme son inverse. !15 Je ne vois personne qui tiendrait «la» bonne position, suffisante pour que tout ce qui compose la psychanalyse soit soutenu. Cela n’empêche en rien la nécessité de faire des choix, mais vouloir affirmer que son choix est forcément le seul soutenable conduit régulièrement à des affirmations manifestement fausses car outrées, ne tenant pas compte de ce qui est prioritaire pour d’autres qui suivent une éthique rigoureuse, argumentée et éventuellement psychanalytique. L’imposture qui accompagne une position sociale ne me paraît nulle part éliminée dès qu’il y a prétention à savoir dans la durée, surtout en matière de psychanalyse, de politique et d’éducation )
La subversion opérée par l’inconscient est radicale, au sens où elle nécessite un autre discours, dont la structure est fondamentalement différente, mais non exclusive. Le discours analytique n’exclut pas celui du maître qui convoque la médecine et la psychologie. Mais il ne doit pas être « colonisé » par celui-ci qui peut aller jusqu’à s’identifier à lui, alors que leurs fondement et entendement sont essentiellement différents. ( Là je suis pleinement d’accord ) Cependant des passages existent entre eux. Ils confirment par le dépassement qui a lieu qu’aucun amalgame n’est possible. [Pourrais-tu préciser? L’amalgame et la complexité ont des conséquences importantes dans cette affaire ] L’évidement qui est à la base du dépassement accorde au vide une place et une valeur fonctionnelle qui spécifie désormais –de manière radicale- le discours analytique. ( Pour toi, peux-t-on être psychanalyste non lacanien? Je ne dis pas opposé au propos de Lacan, mais préférant d’autres théorisations ? )
A ce propos, il est possible de recourir à une analogie qui a eu lieu dans le domaine scientifique. Le dépassement effectué par GALILEE sur ARISTOTE, quant à la chute des corps en fonction de leur poids (une pierre et une plume), ne s’est produit que parce que ce dernier avait méconnu la résistance de l’air et ses effets. La prise en compte de ce facteur antérieurement oublié, ne procède pas de la volonté de Galilée de « faire la leçon » à ARISTOTE mais de sa résolution à mettre en oeuvre un autre entendement, qui a d’ailleurs permis à NEWTON, plus tard, d’écrire la loi de la gravitation, toujours en vigueur. A chaque fois qu’il y a dépassement et passage d’un discours à un autre, le progrès réside en fait dans le passage d’un sens qui rejette la signifiance, alors qu’il la contient, à un sens nouveau qui, lui, va l’intégrer et la comporter désormais en son sein. ( La théorie galiléenne ou newtonienne intègre et comporte en son sein la signifiance, alors que !16 Aristote la rejetait? Tu viens d’écrire que c’est la prise en compte de la résistance de l’air qui fait la différence. N’en fais-tu qu’un effet de discours s’appuyant sur la signifiance, sans référence à un réel physique dont la prise en compte par les concepts est validée par les résultats des expériences? Et c’est valable pour tous les progrès théoriques? J’en demande la démonstration, si c’est ton propos, pour les physiques en question, et en dehors de la physique quantique, qui en effet a des accointances avec la psychanalyse, reconnues avant Lacan) S’il est impossible de dogmatiser le souverain vide, ( C’est religieux et monothéiste, d’instituer le vide souverain comme raison absolue, mais la référence que tu en fais comme vérité fondamentale me semble pourtant en faire un dogme. Ce n’est une critique que si ce dogme n’est pas critiquable.)
il s’agit surtout d’y tenir et de le maintenir fermement, en le mettant en fonction et en évidence, à partir des constructions qui le contiennent en tant qu’il les détermine et impulse leur dépassement par évidement et décentrement, vécus comme « troumatisants » par le moi, dont l’omnipotence se voit menacée. ( Cela donne quoi, en dehors de la psychanalyse, par exemple en chimie ? S’agit-il d’autre chose que de la prolifération du savoir scientifique, fondé sur la lettre, qui ne s’encombre pas de ses effets sur les sujets dans ses applications concrètes ? Quel est l’effet sur la chimie de la cure psychanalytique lacanienne éventuelle d’un chimiste ? Devient-il plus inventif, a-t-on des exemples de ce résultat ?)
La radicalité se met au service du passage des S2 à S1, et partant de nouveau à S2, selon la dialectique spécifique que l’inconscient imprime à l’articulation entre la conséquence et l’antécédence (temporalité spécifique de l’entendement de la psychanalyse). ( Quel besoin de radicalité en plus d’une juste théorie ? ) La radicalité vise un objectif majeur, capital pour l’éthique de la psychanalyse, que FREUD a abordé dans son plaidoyer pour une analyse laïque. Il consiste à libérer la subjectivité des « griffes » hégémoniques, voire tyranniques du savoir médico-psychologique, et de l’affranchir franchement de l’entendement que lui impose celui-ci. ( Il a été conséquent avec ce qu’il avait découvert et inventé, comme bien des scientifiques qui savent que leur science ne peut pas être inféodée à autre chose qu’elle même, mais il n’en faisait pas un but en soi, d’après ce que j’en sais. Il ne faisait que contrer une dérive institutionnelle, incompatible avec son invention, mais sans hostilité de principe à la médecine et à la psychologie. )
Le pervertissement qui s’ensuit se manifeste à travers, entre autres, des enfumages idéologiques qui !17 dégradent les perturbations, les coinçages et les difficultés liées à l’existence subjective, en « maladies », appelant une guérison, bâtie sur le même modèle que celui que préconise le médecine, et auquel se conforme la psychologie sous toutes ses formes. ( Le « auquel se conforme la psychologie sous toutes ses formes» est faux, calomniateur et négateur de certaines formes de psychologie. Tu fabriques d’ailleurs une norme, comme l’est « maladie », avec tes formulations de ce qui doit être « radicalement » combattu ) Une tâche essentielle et impérieuse consiste d’abord à libérer le discours analytique, grâce à sa structure, écrite sous forme de mathème par LACAN, ( si la libération consiste à devoir obligatoirement passer par le mathème et condamner tout ce qui se présente différemment et va par moments en sens inverse, c’est une libération comme celle que promettent toutes les religions monothéistes: ne posez que les bonnes questions ou taisez-vous, reconnaissez la prééminence de la vérité révélée et révérée sur tout ce qui a le droit de se manifester! ) et le défendre ensuite contre toutes les tentatives de récupération que tentent, sans relâche, les idéologies médico-psychologiques, prôneuses d’une aliénation sociale, redoublée et renforcée en vue de réduire au silence l’aliénation symbolique, elle, promotrice de l’incomplétude, corrélative du vide structural irréductible. ( La méconnaissance, qui tend à passer outre l’aliénation symbolique, n’est pas le résultat des idéologies en premier, même si celles-ci la renforcent. Elle est le fruit de l’abord de soi jubilatoire dans une image qui laisse échapper son fondement signifiant en trouvant une solution à la discordance et la division subjective dans un imaginaire de soi et des autres, objets primordiaux devenus pensables par l’image, dont la complexité simplifiée fera ensuite le lit du désir. Penser échapper à cette méconnaissance, où l’image parait résoudre le problème d’exister car elle le fait partiellement me parait très illusoire, et nécessiterait une démonstration par la production de savoirs nouveaux ou au moins de vérités nouvelles produites ainsi.)
Face à ce dernier, l’aliénation sociale soutient le moi dans ses efforts de « négocier » et de « monnayer » le défaut de rapport sexuel avec des conceptions qui font miroiter l’édulcoration des effets de cette absence, dont la radicalité se trouve démentie, au détriment du sujet. (Freud faisait du compromis le pivot de l’organisation du moi. Toute tentative de construire un monde commun, sur lequel éventuellement revendiquer la liberté et l’émancipation, se fait en laissant de côté, ne serait-ce que temporellement, un bout du réel. Si tu ou nous réussissons à proposer une conception du monde qui se passe de cette !18 méconnaissance, tu ou nous aurons réussi une quadrature du cercle. Mais qu’en attends-tu qui ne serait pas croire au Père Noël qui baiserait en toute satisfaction avec la Mère Noëlle? Ne pas être dupe sur la durée de la méconnaissance moïque, l’expliciter, ou la faire apparaître et se dénouer par une interprétation n’est pas équivalent à la dénoncer)
Défendre la rupture épistémologique, accomplie par le discours analytique, qui réserve à l’objet a la place d’agent, ne peut de faire sans adopter de position radicale, laquelle insiste constamment sur le primat du signifiant, vite oublié , d’autant que les fascinations imaginaires restent toujours actives. Refuser de lâcher le primat du signifiant et toutes ses conséquences épistémiques et méthodologiques, permet aux autres discours de se caractériser, et partant d’entrevoir des possibilités de coopération entre eux [ Pourrais-tu en donner des exemples ? J’ai l’impression d’une promesse dont rien n’est réalisé, mais je serais heureux de me tromper ].
Faire croire, par exemple, que le discours médical, rivé et arcbouté sur le symptôme comme signe, peut s’identifier au discours analytique, dès lors qu’il suffit d’emprunter un ou deux concepts analytiques , relève d’une imposture intellectuelle, qu’il s’agit d’éventer, sans pour autant idéaliser ni absolutiser la psychanalyse. [ Là j’approuve ] Il s’agit de faire pièce à des tentatives réellement totalitaires [ Comme ? Si tu ne veux pas que ce soit un propos terroriste inflationniste, tu devrais donner des exemples et des critères du partage que tu fais entre ce qui est totalitaire ou pas. Le discours médical n’était pas totalitaire de visée, avant la nouvelle définition de la santé d’après la seconde guerre mondiale ] qui se cachent derrière des amalgames théoriques, mettant en avant des raisons éclectiques, sur fond d’oecuménisme et de pragmatisme. [ Freud refusait expressément les visions du monde cherchant à se fonder sur un principe. Pourrais-tu donner des exemples de ce dont tu parles là, pour le différencier des prises en compte de la complexité de la réalité effective ?] Accorder le primat au signifiant comme fondement de toute réalité, pour soutenir la radicalité du discours analytique, permet de montrer que l’exclusive et le totalitarisme sont battus en brèche dès lors que le signifiant met en évidence le réel comme impossible, lequel est à la base de toutes les constructions symboliques, aussi bien celles qui le respectent que celles qui, dominées par l’imaginaire, convoitent sa mise à bas et sa déroute. [ Quel est ce désir qui convoite? Si le primat du signifiant est devenu l’explication de tout, c’est autant totalitaire, si cela dé-légitime les effets positifs de l’imaginaire, comme celui de voir !19 comme un trésor un bébé venant de naître, ou une femme ou un homme ayant telle apparence irrésistiblement désirable, ou suggérant qu’un agalma ou un « divin détail » se cache en eux ]
Parce que la subjectivité n’est aucunement une affaire médicopsychologique (entretien des cultes de la personnalité) , la radicalité en psychanalyse est, et reste au service de la fonction signifiante, qui rend opérant le vide. Il n’y a alors place ni pour le dogmatisme, ni pour l’exclusive. L’objectif reste l’ouverture de brèche(s) dans les extensions afin que la signifiance (re)gagne sa place en tant qu’elle détermine « silencieusement » et implicitement celles-ci, qui lui opposent un refus de savoir, inhibant la parole pour qu’elle ne la libère pas.[ Dans ton texte, toutes les autres explications que la tienne sont forcément ontologiques et relèvent des extensions, d’après ce que j’en comprends, puisque les critères de où cela commence manquent. Merci de me montrer l’erreur, si j’ai tort]
La radicalité concerne l’intension ou la signifiance, qu’il s’agit de faire valoir, d’autant plus qu’elle est implicite, et subsume à ce titre toutes les extensions qui, même si elles en procèdent, ont tendance à l’éradiquer. Elle n’a pas besoin de se draper dans une tolérance factice et tapageuse, dont raffolent des cohortes de convertis…à la psychanalyse, ravalée au rang de religion. [ Affirmer le principe de tout dans une formule psychanalytique est en faire une religion. Ceux qui ne sont pas persuadés de ses formules ont du mal à voir en quoi nos milieux psychanalytiques ne sont pas une secte, voulant se distinguer comme toutes les sectes des autres sur le principe que ce qu’elle promeut est vrai, contrairement aux autres ] Certes, cette radicalité peut être effectivement terrorisante, lorsqu’elle met au jour les impostures intellectuelles, qui consistent à refuser de savoir la fonctionnalité du vide, tout en mettant en avant des artifices « psychanalytiques » pour mieux consolider une objectivation et une réification, exclusives du sujet (cf. la psychothérapie institutionnelle). [ Tu ne trouves aucune vertu à la psychothérapie institutionnelle, ou tu lui reproches de ne pas être de la psychanalyse ? ] L’éthique du discours analytique n’a pas besoin de rodomontades et de fanfaronnades de tolérance, [ Quelle association y a-t-il entre ces notions? La tolérance a ses limites, mais l’intolérance me parait un risque tragiquement d’actualité ] puisque toutes les constructions, sans exception, sont des extensions issues de l’intension, qui présentifie ainsi !20 son absence déterminante. D’où la corrélation avec la fonction paternelle telle que l’a théorisée FREUD. Le combat mené contre ce fondement radical de la psychanalyse est orchestré par des idéologues de la tolérance, [ En suis-je, à m’inquiéter de celle-ci ? De qui parles-tu ? ] inquiétés par l’équivocité signifiante [ Tu sais ce qui motive les autres, ce qu’est leur souci éthique ? Qu’est-ce qui te donne cette science? Cela me semble contraire à la psychanalyse, qui laisse la parole pour s’expliquer, à partir d’un renoncement au savoir préalable ] et en quête de sens garantis par des savoirs « objectifs », c’est à dire affranchis du signifiant et de l’écart irréductible qu’il instaure et renouvelle sans cesse, d’avec le signifié. [ Là je peux voir des discours que je combats, mais je ne vois pas de lien constant avec la tolérance ] La destitution de l’illusion ontologique, comme la castration symbolique, terrorisent les adeptes du substantialisme et de l’essentialisme. [ La psychanalyse terrorise ? C’est bien caché, et le dire de cette manière prêtera surtout à sourire] Dès que ces soutiens nourriciers du discours du maître leur font défaut, nombre d’entre eux ont tendance à verser dans les réactions nihilistes (à l’image de certains sartriens très en vue en Mai 68, qui luttaient pour « commercialiser » une jouissance totale, libérée du fardeau du défaut de rapport sexuel). La radicalité que le D.A nous permet de promouvoir, sur la base de cures, sérieusement conduites,[ Cela veut dire quoi? Cette formule courante dans les milieux lacaniens me semble sans commune mesure avec les questions que pose la pratique psychanalytique, et constitue une stratégie pour déclarer non psychanalytiques les avis différents ] concerne le rapport entre la saturation de sens (par la suture de l’écart S/s) et la signifiance qui excède (dans les deux sens du terme), comme le plus de jouir, tout sens qui prétend s’identifier au signifié, au titre de la jouissance accomplie et réalisée. Cette terrible prédicativité [ Elle terrorise, elle aussi ? Toujours, Qui ? C’est un mécanisme de nos pensées si incontournable, si général, que je trouve étonnant, quoique courant dans cet usage à Dimensions de la psychanalyse, ce qualificatif asséné sans plus de précision, qui laisse à penser que l’inverse, l’imprédicatif, y ferait échapper] annihile les efforts qui consistent à radicaliser l’aliénation symbolique à partir de l’imprédicativité,
[ A part la cure, qui devrait laisser au psychanalysant le choix de se radicaliser s’il le souhaite sur ce point, la radicalisation vise-t-elle un choix de mode de pensée, fondé sur une théorie, qui modifierait par une décision !21 consciente l’aliénation? Cela n’a plus grand-chose à voir avec la démarche psychanalytique qui se réclame de la science et de ses effets inconscients, et nécessite de se confronter à des critiques. Une théorie n’est pas les cures qui en donnent la compréhension. Nous sommes là dans autre chose que la règle initiale de la cure, et le moment éventuel de sa conclusion. Que penses-tu ceux qui prétendent pouvoir tenir la place de psychanalyste et trouvent cette théorisation contraire aux principes freudiens de ne pas chercher à partir d’un principe pour reconstruire ce qui est réel ?] inhérente à la fonction signifiante, laquelle articule l’excès, le dépassement et l’à venir, en dialectisant métonymie et métaphore [ C’est intéressant, différent des définitions classiques du signifiant, et en même temps cela réduit à des fonctions primordiales la subjectivité! Celle-ci serait-elle décrite ainsi, en une formule équivalent à une équation primordiale de la physique ? ]. Ainsi, les oeuvres d’art n’atteignent le sublime que lorsqu’elles dépassent leur créateur aussi bien que le sens premier dont elles sont porteuses. La signifiance qu’elle comporte et qu’elles mettent à nu les excède et suscite une émotion liée à la subversion qu’elles opèrent en tant qu’elles métaphorisent une « père-version ». [ Est-ce la formule définitive du sublime? C’est intéressant d’en formuler une explication, mais l’affirmer la seule, normative est s’en affirmer le maitre. Comme bien des « avant-gardes », mais la psychanalyse doit-elle y être impliquée de cette manière?]
Le véritable réalisme [ Qu’appelles-tu ainsi? Il y a une polysémie de «réalisme» qui rend difficile de discuter de ce «véritable», alors que tu t’en désignes le maître ] revient à prendre en compte l’échappement du réel qui détermine le dépassement, entendu comme ce qui assure le passage d’une réalité à une autre. [ Lacan juge de toute réalité, ou de tout changement reconnu ? C’est bien sûr une idée conforme au passage par le discours psychanalytique pour tout changement de discours. Mais ce n’est pas une théorie productrice d’autre chose qu’ellemême pour l’instant, en dehors de cures qui elles-mêmes deviennent difficilement interrogeables. ]
L’imprédicativité est la marque, la trace constante du défaut de rapport sexuel. Elle oriente la métonymie qui met au jour le ratage en métaphorisant l’incomplétude et le manque à être radical, lié au refoulement primordial, fondateur de la subjectivité en tant que le sujet émerge et procède de la mort de l’être aussi bien que de l’expulsion définitive de la Chose. Ces deux pertes – de l’essence et de l’objet – sont au fondement du processus métaphorique, animé par le désir et concrétisé par les pulsions, qui, en rencontrant le ratage, confirment leur !22 matrice : le manque à être. [ C’est là une proposition remarquablement ramassée, et la formule «la mort de l’être» est nouvelle pour moi depuis tes textes, plus intéressante que «l’être pour la mort ». La question ensuite, est de savoir ce que nous en faisons qui ne soit pas une mise à mort programmée de ce qui est le produit spontané de nos langues indoeuropéennes, avec toutes les conséquences catastrophiques qui peuvent se prévoir si cela avait une réalisation politique. Allons-nous la proposer pour démonstration à partir de ce qui se produit spontanément, ou allons-nous affirmer qu’elle explique ou décrit l’essentiel de tout ce qui se vit, sur un mode ou un autre, comme un principe toujours retrouvé derrière le monde des apparences, mais qu’il y aurait à défendre, dont nous serions les … quoi ? ]
Face aux questions inhérentes à l’imprédicativité, liée à la fonction signifiante, les difficultés sont telles que même un EINSTEIN, dont les découvertes procèdent de la négation et de la subversion de la physique classique, reste attaché à la prédicativité, considérant que l’organisation de l’univers est un donné établi, qu’il s’agit de lire correctement pour mettre au jour ses principes et composants organisationnels,, à l’opposé des physiciens quantiques, qui préfèrent s’appuyer sur l’ex nihilo et l’après coup, pour fonder et soutenir leurs recherches et découvertes. [ Préciser leur recours à l’ex nihilo pourrait nous éclairer. Mais ta formule place Einstein en position de reculer devant la difficulté, nous-mêmes le jugeant : je ne me sens pas de taille à juger les raisons de Einstein en physique, même si je connais quelque chose du classicisme de sa position face à l’innovation quantique. Les domaines d’application et les conséquences pratiques sont aussi à considérer, et tout n’est pas encore écrit sur ce thème, d’après des physiciens ]
Enfin, pour faire écho à l’exposé de Dominique GUEVENOUX du 30/01/2016, sur « La Chose et l’institution », je dirais que l’imprédicativité est consubstantielle de l’expulsion de l’être, qui permet à l’infans d’accéder au statut de parlêtre (grâce au soins apportés par un autre, c’est l’Autre qui advient) [ L’expulsion de l’être par l’infans mériterait une explication. Car «l’être» est une catégorie conceptuelle et langagière qui ne préoccupe pas l’infans, pris dans un rapport au perçu et conçu qui articule méconnaissance, liée à l’imaginaire, et logique signifiante nécessitant un ailleurs Autre. Quant au «statut» de parlêtre, je me méfie des conséquences de ce terme pour ceux qui n’y correspondent pas ] .
Le vide opératoire caractérise la fonction signifiante et procède de la Chose, qui résulte de cette activité d’expulsion, concomitante de !23 l’acceptation et de l’intégration (incorporation) irrévocable du symbolique. Aussi, la Chose signifie-t-elle la perte de l’essence en même temps que le gain de l’altérité et de la division subjective. [ La perte de l’essence est aussi un après-coup conceptualisé, et pas un fait de la diachronie du sujet, comme peut l’être le moment du miroir. Il y a une perte dont la conception rigoureuse ruinera l’idée d’une essence, soit d’une assise stable du logos pour le sujet. Cela ne l’empêchera pas d’y croire et d’agir en y croyant. Découvrir la limite et donc la fausseté relative des conceptions chronologiques ne nous légitime pas à nier l’existence d’une histoire et une chronologie du sujet, à part pour un usage signifiant à préciser]
Ce mouvement d’expulsion, caractéristique du refoulement primordial, se confirme par l’acceptation définitive de la dépendance du symbolique,[ «du» ou «au» ? Cette description peut être interrogée dans sa généralité ou son universalité par l’autisme ] dont l’incomplétude est éternelle [ Dirais-tu que nous côtoyons le sublime ou le divin ? ], quelles que soient les parades imaginaires que l’être parlant lui oppose. Ces opérations concomitantes déterminent un rapport spécifique entre ce dernier et l’objet, qui se matérialise par l’échappement, lequel se répète à chaque fois pour articuler le ratage avec le désir. Ainsi, l’écho de la Chose se fait entendre dans les relations d’objet à travers les objets a, qui empêchent radicalement tout objet à devenir un prédicat mettant fin au manque à être, c’est à dire transgressant l’imprédicativité que le primat du signifiant impose. [ C’est joliment formulé. Ce que le primat du signifiant sur le signifié impose n’empêche pas l’existence du mouvement inverse, dont tu parles. Mais pourquoi parler de transgression, si on n’a pas fait de l’imprédicativité une règle sacrée ? La manière d’évoquer le mouvement inverse serait probablement un appui pour la reconnaissance des pratiques des psychanalystes. Mais dénoncer ce mouvement de méconnaissance me semble contraire à la psychanalyse. C’est mettre tous les sujets en place d’accusés, sans plus d’interrogation du lien du langage au réel. L’interprétation est un autre rapport, qui n’implique pas une transgression, mais un passage de limite et une modification d’un autre ordre ]
Les objets en rapport avec les objets a sont en fait des prédicats qui servent à concrétiser cette dernière. Elle [ Quoi ? L’imprédicativité, substantivée en nouvel être théorique, ou la chose ? ] leur confère cette fonction pour mettre en valeur et en évidence le désir [ Le désir devenu sujet à son tour ] en tant qu’il met en oeuvre le ratage, corrélatif de l’absence de rapport sexuel. C’est ainsi que le sujet advient [ Ce qu’on pense savoir de la question devient ainsi une norme, une sorte de subjectologie sans laquelle un humain n’est pas sujet, exclusive de procès différents ] : l’aliénation signifiante induit la Chose en tant qu’elle procède d’un choix qui concerne l’irréversibilité d’une expulsion, permettant l’instauration d’un vide dont la fonctionnalité participe de l’acceptation du symbolique, et de son incomplétude, corrélative du réel, qui, parce qu’il échappe sans cesse, dépasse les prouesses de l’imaginaire, dont la visée consiste à lui faire échec en le maîtrisant, au nom de l’amour du tout (rapport sexuel). [ Cela me semble juste, avec ces restrictions que le réel en question n’est celui d’aucune science autre que psychanalytique, et qu’il n’y a pas d’ «imaginaire qui vise», et encore moins l’échec d’une autre dimension, mais que le sujet cherche la solution à ce que son existence lui impose en étant joué et en cherchant à jouer de leurs différences ]
Structuralement, la Chose obvie au rapport sexuel qui n’existe plus que sous la seule forme de l’absence [ Ce genre de formules, très lacanienne, est terroriste car elle est un défi au sens commun de rapport sexuel, qui semble loin de n’exister que comme absence: la connaissance théorique de la structure crée des experts, un clergé disait-on dans les anciens temps, qui savent pour tous derrière les apparences. C’est différent de ce qui apparait symptomatique au sujet se jugeant lui-même, comme l’a posé prioritairement l’invention des règles de la cure par Freud. Cela serait différent si tu précisais «totalement satisfaisant», ou «inscriptible en tant que rapport logiquement déterminé de deux entités différenciées sexuellement de manière univoque» ] .
C’est la condition sine qua non du désir qui confirme la Chose [ Qui confirme la nécessité logique, ou l’intérêt de postuler la Chose pour rester cohérents dans des explications de ce que nous montre la clinique ou l’art ] et la quête d’objets comme attributs, pour souligner le ratage (mise en échec du ratage (de structure) = symptôme) et asseoir l’imprédicativité (échec de tout attribut à recouvrer une impossible complétude ou une jouissance totalitaire de type imaginaire, vouée à l’échec par la structure). [ Les formulations autour du ratage mériteraient aussi une discussion, car c’est là où les formulations n’ont plus de conséquences rationelles partageables. Dire que la quête d’objets est «pour» souligner le ratage me paraît un parti-pris qui ne peut pas s’universaliser sans plus de précautions ]
Toute prédicativité sert en fait à mettre au jour cette imprédicativité essentielle . Sinon, celle-ci se pervertit en prédicativité [ Toute prédicativité risque de se pervertir en prédicativité: je trouve ça intéressant, si cela ouvre à s’expliquer sur la dialectique entre prédicativité et imprédicativité ] (Cf. le débat de l’institution comme « coquille vide » à Dim Psy, qui essentialise l’institution, alors qu’elle ne peut se prétendre telle, que si le vide est mis en oeuvre grâce au signifiant, et soutienne un travail spécifique : celui de l’évidement de tout ce qui tend à la remplir nécessairement). Le désir affirme et confirme le vide, issu de l’expulsion de la Chose (de l’essence, de l’en soi, de tout absolu). Il offre [ Mythologie théorique, psychologisante même, métaphysique du désir, «sorcière» non freudienne? ] le ratage au destin des pulsions. C’est pourquoi il est toujours question de donner au vide sa pleine mesure pour évider et déconstruire les productions du moi, à partir desquelles, il se voit décentré, permettant ainsi au sujet de recouvrer sa place fondamentale. [ Retournement positif, lacanien, de ce qui se présentait pour Freud comme le roc de la castration et pour les analysants et les autres simplement comme un échec. Si cela est le résultat désiré du transfert, c’est très bien. Si c’est pour tous, quoi qu’ils désirent, c’est terroriste ]
En conclusion, c’est parce que l’efficacité de la psychanalyse réside entièrement dans l’éthique de son discours que la radicalité est nécessaire, afin que nulle concession ne vienne pervertir la structure du D.A, telle qu’elle a été écrite dans le mathème lacanien. Les sornettes qu’on se laisse dire par des personnes très tolérantes [ De quoi parles-tu ainsi? Qui «se laisse dire»?Est-ce une attaque de la tolérance comme nocive, ou de certaines formes, certains moments, certaines situations à préciser ? ] et bien intentionnées (qui abhorrent l’intension) laissent toujours entendre qu’il ne faut pas « se casser la tête » avec « le dire qui reste oublié derrière ce qui se dit dans ce qui s’entend ». (LACAN). [ Là je ne reconnais pas ce que je peux associer à la tolérance. Je ne vois pas le rapport à cet énoncé de Lacan. L’évacuer est effectivement évacuer le sujet. Qui se réclame de la psychanalyse et ne veut pas en tenir compte ?]
Or c’est la radicalité du D .A en tant qu’il ne cesse d’évider les extensions pour en dégager l’imprédicativité irréductible, que le caractère scientifique de la psychanalyse est préservé, [ Cela me parait très contestable. Qu’une cohérence théorique, éthique et pratique soit préservée en suivant cette formule, d’accord, mais la science est làdedans est peu évidente dans les termes purement théoriques que tu donnes. S’il est question d’ « évider les extensions » dans la psychanalyse, c’est dans la mesure où la pratique psychanalytique consiste à chercher une ou des raisons inconscientes derrière ce qui forme les certitudes du sujet, même si elles se présentent comme un doute incessant. Mais la visée absolutisée de le faire, comme un mot d’ordre théorique, pas reliée aux contenus de pensée de chaque sujet ou !26 aux formules freudiennes classiques, ne me parait pas si psychanalytique et pas scientifique] d’autant plus que la structure de son discours ne souffre aucun empirisme ni pragmatisme [ Y a-t-il un rapport critique à l’expérience dans ta conception? Si oui, lequel, si non quel rapport à la science et à la psychanalyse de Freud reste-t-il ? Comme exemple du problème posé, je rappelle que pour nombre de musulmans, dont les islamistes, la science moderne est déjà dans le Coran, formulée autrement. Serions-nous scientifiques de la même manière, suivant notre point de vue et sans avoir à nous référer à ceux qui ne croient pas la même chose? Il ne suffit pas d’arguer de la mathématique, vue la variété et l’imprécision de son usage à partir de la théorie de Lacan, pour prétendre être autre chose que poètes au mieux, croyants sectaires au pire. Un poète peut-il donner des leçons avec des formules radicales se prétendant scientifiques sans nourrir la psychose sociale? Je ne crois pas ] .
Et c’est aussi cette radicalité à toute épreuve qui protège ses propriétés subversives (« la peste ») [ Vite étouffée, et si Freud a vraiment dit ça, puisque c’est contesté il me semble ] contre l’aliénation sociale, nourricière de psychose, à laquelle collaborent nombre de ceux qui sont terrorisés par la signifiance, laquelle excède –en les trouantleurs propres constructions. [ Je m’incline devant tous les troués par la radicalité ]
Amîn HADJ-MOURI
01/02/2016
Commentaire fini, mais pas achevé, le 30/03/16