A PROPOS DU SEMINAIRE CLINIQUE ARMENTIERES

« L’errement consiste en cette idée de parler pour que des idiots me comprennent. » (LACAN)

« Je ne parle pas pour les idiots. » (LACAN)

« La psychanalyse est un remède contre l’ignorance. Elle est sans effet pour la connerie ». (LACAN)

« Les gens qui ne veulent pas de moi, moi, je ne cherche pas à les convaincre. Le propre de la psychanalyse, c’est de ne pas vaincre, con ou pas » (LACAN)

  

CE TEXTE N’EST PAS UN COURS. C’EST UN DOCUMENT DE TRAVAIL DESTINE A ETRE « ANA-LYSE » ET DISCUTE.

 

Je voudrais préciser le sens de mes interventions dans le cadre de ce séminaire qui, tout en s’intéressant au discours analytique, fait aussi appel à des invités qui se référent à d’autres discours. Si j’y participe –non sans quelque réticence parfois -, c’est parce que je veux croire qu’il est le premier jalon d’un travail subversif, proposant des modes d’évidement des théories constitutives de l’idéologie dominante. Autrement dit, travailler pour  « trouer » celles-ci, les évider et les déconstruire pour favoriser des passages, rendus possibles grâce à l’ouverture qu’assure la dépendance du symbolique. L’incomplétude  de celle-ci – inhérente au vide qui articule le signifiant et le signifié – permet de  nouer constamment le symbolique avec le réel et l’imaginaire, selon des modalités différentes, caractéristiques des choix de positions subjectives.

Pour aborder ce travail très exigeant, il est nécessaire de clarifier quelques concepts et méthodes préliminaires.

L’auditoire est composé majoritairement d’étudiants de psychologie et de quelques « professionnels » (psychologues, psychiatres, infirmiers (es),…) bien rompus au discours universitaire, dans lequel les théories médico-psychologiques « tiennent le haut du pavé », d’autant plus qu’elles s’adonnent volontiers au « racolage » de la psychanalyse. Elles soumettent cette dernière à un pervertissement pernicieux et insidieux, en faisant croire que la logique du sujet est compatible et conciliable avec celle que nourrissent les conceptions exclusives du sujet de l’inconscient. Souligner cela et y tenir fermement ne revient pas à disqualifier le discours universitaire, mais à proposer de le déconstruire ou de l’évider (« lyse de l’analyse »), en acceptant que la pulsion de mort soutienne, sur la base de la déconstruction (et non la destruction définitive, par ailleurs impossible) mise en œuvre, le passage d’un discours à un autre, qui intégrerait désormais cette pulsion de mort comme nécessaire à la vie. Ainsi, en même temps que le passage d’un discours à un autre, c’est aussi à un changement de lien social auquel on participe et assiste.

 

D’où l’impact de cette approche quant à la redéfinition de la « démocratie », réduite à une conception congrue, imposée par des massacreurs de la subjectivité, qui ne veulent rien savoir de l’inconscient, et mettent tout en œuvre – surtout lorsqu’ils ont du pouvoir – pour en refuser l’accès à d’autres, sous prétexte de défendre le bien de ces derniers. Le sacrifice altruiste sert alors à combler le narcissisme primaire et à partager l’exclusion de l’inconscient. Le recours à la morale par ces tenants de la mise à bas de la logique de l’inconscient, est proportionnel à l’hostilité qu’ils vouent à ce dernier, qui les excède en leur imposant ses manifestations et ses formations, lesquelles renvoient à un défaut constitutif, lié à l’échappement constant qui le cause, et dont ils ne veulent rien savoir, d’autant que nombre de discours se proposent à eux pour  les enferrer dans une méconnaissance, fort inhibitrice sur le plan intellectuel.  Cette causalité si particulière, qui intègre le vide comme dimension essentielle à sa fonctionnalité,  est battue en brèche par maintes théories qui la refoulent, voire la forclosent à qui mieux mieux. Les idéologies se proposent certes d’offrir du « prêt à penser », mais elles aggravent par là même les obstacles aux inventions, innovations et autres avancées intellectuelles, d’autant plus audacieuses qu’elles menacent la censure mise en place par les apôtres et les adeptes du bilatère, farouchement hostiles à la mise en continuité moebienne de celle-ci avec l’unilatère qui le fonde et le détermine. L’indissociabilité du bilatère et de l’unilatère ne signifie d’aucune façon leur confusion. Leur distinction ou leur différenciation est indispensable à la mise en évidence de leur articulation moebienne, conséquente à une demi-torsion , requise par leur mise en continuité. C’est d’ailleurs  ce type de lien qui caractérise les rapports entre le sujet et l’individu, entre le moi et le sujet de l’inconscient.

 

La tendance paranoïaque, accentuée par l’idéologie dominante, met en avant un humanisme ostentatoire, représenté par des théories prédicatives  -dont certaines se proclament « progressistes »-, qui n’ont de cesse d’entraver et de faire échec à l’émergence et à l’advenue du sujet. La dépendance du symbolique est rejetée par les  fats et les vaniteux, alors qu’ils lui sont structuralement soumis, de manière définitive et irréversible. C’est d’ailleurs pour mieux rejeter cet ordre symbolique qu’ils  se « collent» ensemble dans des groupes ou dans des écoles, autour d’un maître qui leur donne sa bénédiction « hontologique » , en accord avec les impératifs de la « SAMCDA : Société d’Assistance Mutuelle Contre le Discours Analytique » (LACAN).

S’exposer, prendre des risques en parlant, et montrer qu’on est toujours seul, sans se prendre pour le seul, ressortit à l’éthique de la psychanalyse, qui n’a rien à voir avec la morale. Il s’agit en l’occurrence de cesser de penser et de répéter les pensées des autres, pour se mettre  à penser soi-même, grâce à la levée de l’inhibition intellectuelle. Cette inhibition ne sanctionne plus, comme auparavant  les tentatives plus ou moins « aventureuses » de mise en échec de l’ordre symbolique. Éradiquer ce dernier hante le fantasme de tous ceux et de toutes celles qui résistent à l’inconscient et à ses formations, malgré leur évidence : qui peut nier qu’il rêve, commet un lapsus ou fait un acte manqué ? Cependant, comme la signifiance est toujours implicitement mise en œuvre – même par ceux qui la démentent -, le sens donné à ces formations de l’inconscient  est multiple et les significations diverses. Aussi, est-il inutile de se battre pour imposer l’un ou l’autre, qui reste soumis à la signifiance.  L’essentiel est de bien souligner celle-ci, qui vient confirmer l’omniprésence de l’ordre symbolique, lequel autorise – grâce au signifiant – toutes les différences et nuances possibles.

 

A ce propos, la clinique est très instructive : même les « souffrants (es) » ne sont pas toujours disposés à voir clair dans les différentes résistances qu’ils opposent à l’inconscient, malgré les symptômes qu’ils mettent en avant. Le prix à payer pour maintenir ces résistances, voire les renforcer et les « blinder », est la chronicité, par ailleurs très « alimentées » par les théories médico-psychologiques, au service de l’aliénation sociale, qui donne l’illusion qu’elle protège ces « faibles malades », incapables d’accéder au « rapport sexuel » (l’unité de soi comme entité immanente et/ou avec d’autres) qu’elle présente comme un idéal absolu. (Cf par exemple la déclaration du sinistre SEGUELA à propos de la possession d’une montre ROLEX).

Déconstruire, évider ces conceptions et le discours qu’elles défendent, ébranle non seulement leurs fondements  théoriques, mais secouent plus ou moins violemment les assurances narcissiques (narcissisme secondaire), obtenues par la confusion – largement entretenue – entre savoir et vérité. Cette confusion s’accroît et s’aggrave lorsque le  savoir est doté du pouvoir de combler le défaut ontologique de « l’être parlant », de sorte que celui ou celle qui s’en prévaut, y adhère avec une adhésivité aussi tenace que redoutable. En effet, les « idiots » aiment, voire adorent leurs théories prédicatives et exclusives du sujet, comme eux-mêmes, dès lors qu’elles les rassurent quant à leurs illusions ontologiques et identitaires. Ils réduisent et confinent l’amour – autrement plus fécond – à ce qui « supplée au rapport sexuel », conformément aux prescriptions imposées par l’aliénation sociale, qui participe grandement à cette restriction, à laquelle elle tient énormément, quitte à accepter de modifier – sous la pression de  tenants du discours hystérique – certaines de ses normes. L’essentiel étant de se « purifier » de l’aliénation signifiante et de la « clocherie » de l’inconscient, qui rappelle la négation à l’œuvre dans la fonction paternelle, sous la forme de l’interdit, à l’égard duquel se déclare une « hainamoration », qui articule la haine suscitée par la dépendance du symbolique et l’amour engendré par cette même dépendance qui limite, et qui est imputée au Père , comme le présente FREUD dans son mythe de  «  Totem et tabou ».

Les fats récusent leur condition d’ « être parlant», celle d’être les « dupes » de l’inconscient. Aussi, comme l’avait souligné LACAN, ne cessent-ils pas d’errer (« les non-dupes errent ») du fait de leur enfermement dans le projet totalitaire et pseudo-progressiste de faire échec au nécessaire interdit, inhérent à la fonction paternelle, lequel « inter-dit » engendre la contingence, caractéristique du « pas tout » propre à la féminité. Ainsi, ce qui ressortit à l’impossible n’est plus inhibiteur, ni angoissant, il devient le fondement qui autorise tous les possibles, désormais libérés de leurs illusions de le mettre en échec. Ces illusions, qui consistent à refuser d’être « la dupe » (comme victime, dupe, dans la langue française n’admet que l’article féminin) de l’inconscient aggravent l’aliénation sociale, exclusive de ce dernier, et relèguent l’aliénation signifiante (ou symbolique)  au rang de « frivolité », toujours agréable à invoquer, pour faire « savant » dans le domaine des mancies psychologico-psychiatriques, qui refusent de raisonner en intégrant la résonance de la parole et ses échos. Ainsi, l’infatuation imaginaire pousse à refuser d’admettre que l’intelligence consiste à lire entre les lignes, (et non pas dans le marc de café ou sur les planches du RORSCHACH!) en raison de la fonction signifiante, indissociable du sujet.

 

L’aliénation sociale se montre d’autant plus totalitaire qu’elle entretient, grâce aux idéologies qu’elle génère et qui la consolident en retour, l’illusion perverse que l’inconscient représente un obstacle à la liberté individuelle, et à la souveraineté du moi. Ainsi, elle étouffe le sujet, et le moi résiste à l’altérité, induite par le sujet, en n’offrant aucune aspérité ou faille par laquelle les formations de l’inconscient (rêves, lapsus, symptômes…)  pourraient se montrer. Tout ce qui a trait à l’altérité devient menaçant : les mécanismes de défense sont dirigés contre elle, dans le but de renforcer une infatuation du moi, qui correspond à une hypertrophie exacerbée  ou à une mégalomanie, renforcée, voire « bétonnée » par la tyrannie manichéenne de la morale humaniste, grande alliée de l’aliénation sociale.

Se voulant exemplaire, cette dernière prétend vouloir du bien au prochain, surtout s’il se présente comme souffrant. La « folie de la guérison » (guérison est à entendre au sens hygiéniste d’épuration de tout ce qui rappelle la subjectivité et renvoie à l‘inconscient) fait partie de cet humanisme, qui consiste à appliquer aux « souffrants » les traitements préconisés par les spécialistes de l’ « hontologie ». En d’autres termes, elle consiste à offrir un prédicat ou un attribut , garantissant une ontologie, qui vise toujours à exclure le sujet, et partant à massacrer la subjectivité sans coup férir. Heureusement que le symptôme, dans son équivocité-même, tout en résistant à l’inconscient, finit par le mettre en évidence, notamment à travers la chronicité qu’il oppose implicitement aux « massacreurs » de la subjectivité. Cette souffrance se nourrit à la fois de cette résistance à l’inconscient et de l’opposition à cette résistance, qui se solde par un tiraillement douloureux, qui tend à concilier le sentiment de culpabilité avec la punition infligée. Ce type de résistance à l’inconscient et d’opposition à la logique de la subjectivité, est choyé par l’aliénation sociale et les institutions qui sont à son service. Le savoir qui y est déployé sert à ce que la parole ne fasse pas acte en faveur de l’émergence et de l’advenue du sujet. La subjectivité est  menaçante pour ces mêmes institutions qui, mises entre les mains de certains « chiens de garde », par trop zélés dans leur combat contre la dépendance du symbolique, qui entrave selon eux la liberté et la souveraineté individuelles. Aussi s’adonnent-ils effrontément à une censure odieuse et abjecte, sous prétexte de restituer liberté et souveraineté individuelles, qui font partie des illusions sur lesquelles « surfent » toutes les idéologies, même celles qui sont apparemment opposées entre elles, et se livrent une farouche concurrence pour se débarrasser du sujet, et de tout ce qu’il draîne comme conséquences.

Le rassemblement groupal et  unifié dans ce genre institutions, de tous les adeptes du réalisme objectif et du matérialisme vulgaire et réducteur, impose de prendre et de considérer les choses pour ce qu’elles sont, alors que leur existence dépend de leurs nominations. Leurs noms les subsument et leur soustraient par là même leur essence, de sorte qu’elles peuvent connaître des changements. L’exemple caricatural du déni des formations de l’inconscient nous a été « offert » par la psychologie et la psychiatrie soviétiques, fondées sur une lecture corrompue  et dégradée du marxisme, pour le mettre au service d’une idéologie exclusive du sujet, qui nie d’autant plus l’inconscient et ses formations qu’ils ont été mis en évidence par la psychanalyse freudienne, « science bourgeoise » s’il en est. (Cf. « La psychiatrie soviétique » de Joseph WORTIS . PUF).

 C’est ce à quoi on assiste de nos jours avec les différents DSM qui nient la subjectivité et « l’appareil psychique » freudien, autrement dit la strucure du sujet, pour ne conserver que l’univocité du fonctionnement cérébral et établir ainsi la causalité unilatérale des troubles psychopathologiques, maîtrisables par le savoir « universel » et réducteur qui y est contenu et répandu sur la surface de la planète. Les promoteurs de ces idéologies « débilitantes », promeuvent une prédicativité absolue et totalitare parce qu’elles rompent tout lien de celle-ci avec l‘imprédicativité qui la fonde et qui provient de l’échappement de l’essence de toute chose dès lors qu’elle est nommée. Pour imposer cette rupture qui contrevient à la structure du signifiant, la censure est exercée sans vergogne par tous ceux qui ne veulent rien savoir de la logique mise en jeu par l’inconscient à travers ses différentes manifestations, qui font valoir par exemple qu’ « il n’y a pas d’universelle qui ne doive se contenir d’une existentielle qui la nie » (LACAN). Autrement dit seule la prise en compte des particularités d’un trouble conduit nécessairement à une universalité, qui n’est jamais préétablie, posée à priori à l’avance. Il s’agit là d’un principe scientifique qui contredit l’empirisme prédicatif, généralement exhibé comme le parangon de la science, maîtresse de la vérité.

La lyse analytique qui soutient la déconstruction du symptôme, implique la pusion de mort dès lors que la dépendance du symbolique –contestée, remise cause et mise en échec vainement par le symptôme- est sans cesse restituée et « ressuscitée » dans un acte (de parole) qui assure le passage (pas sage = méchant /pas sage = mouvement tranquille) d’un discours ou d’un lien social à un autre, avec tous les bouleversements qu’il génère.

Gagner la subjectivité ne signifie aucunement s’épurer de l’individualité, même si sa tendance totalitaire est persistante et insistante. Faire l’expérience dans la cure de ce passage permet de ne pas capituler face à elle et de lui opposer la négativité, propre au sujet, pour la remettre à sa place et la démystifier, malgré les injonctions et les commandements provenant d’idéologies qui ne jurent que par elle, pour mieux en finir avec l’inconscient. Or la négativité que comporte celui-ci, grâce à la pulsion de mort, assure l’ex-sistence  subjective, laquelle dissuade de se donner la mort, qui signifie alors la soumission aux impératifs de l’individualité  et des théories qui la consolident pour faire échec au sujet et à la vie, c’est à dire au désir, dont ne veulent rien savoir les idéologies humanistes, très soucieuses de faire de l’amour abstrait la suppléance idéale au défaut irrévocable de rapport sexuel. En effet, je dirai, pour paraphraser LACAN, que « le rapport sexuel : hihanappât » : les « âneries » (« hihan ») ont beau « appâter », feinter et faire miroiter l’unité escomptée et fantasmée (rapport sexuel=1), elles finiront par échouer, même si elles ont encore de beaux jours devant elles pour faire croire que,  si à soi tout seul, l’unité n’est pas assurée, elle pourrait peut-être être réalisée à deux ou à plusieurs, dans un couple ou bien dans un groupe. Faire un avec soi-même ou d’une toute autre façon, relève de l’impossible. Cette impossibilité, constitutive de la structure subjective, est articulée  à l’imaginaire qui tente d’y contrevenir, sans pour autant se libérer ni se démarquer du symbolique, lequel fait valoir sans cesse une incomplétude essentielle, que certains psychosés tentent vainement de mettre en échec. Leur négativisme est un mode de rejet de la négation inhérente à l’inconscient, contre laquelle le savoir est appelé en renfort. Accumulé sous forme d’érudition, notamment par les névrosés, comment peut-il être subverti pour qu’il continue à « prospérer », non pour colmater la faille qui lui sert de fondement, mais surtout pour la consolider, afin qu’il contribue encore mieux à l’évidement et la déconstruction de conceptions nourrissant cette illusion qui consiste à l’ identifier avec la vérité ?

Dans « Radiophonie », Lacan précise que parce que «  l’effet de vérité tient à ce qui choit du savoir »,  dans le discours analytique, « le savoir de la structure (su de tout être parlant, ça ne s’apprend pas à l’école – c’est moi qui rajoute) a place de vérité ».

 

Il souligne dans ce même écrit que dans chaque discours, les places s’articulent ainsi :

L’agent      l’autre

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la vérité    la production.

 

 

                                                                         Amîn HADJ-MOURI

                                                                                     19/12/19

 

 

 

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