Je tente ici une expérience : j’ai voulu que l’écriture de ce document de travail soit la plus proche de la « libre association ». Il a été écrit au jour le jour, sans relecture de ce qui a été rédigé la veille. Les ajouts progressifs et spontanés sont venus répondre à des formulations qui me revenaient à l’esprit, et appelaient à de nouvelles précisions ou à de nouveaux commentaires. Ayant du mal à y mettre un point final, j’ai renoncé à le relire et à rectifier ou corriger certains passages, qui doivent inévitablement être porteurs d’erreurs, d’omissions, etc… Je laisse le soin à tout lecteur (toute lectrice) de les repérer, de les relever, et surtout de les commenter à sa guise, de quelque façon que ce soit, pour qu’il (elle) devienne in fine auteur ( e ) d’un autre texte à réécrire à plusieurs mains, coordonnées cependant par la même reconnaissance de la détermination subversive du signifiant, et de la lettre qui parvient « toujours à destination », faisant du sujet son destinataire principal, non sans qu’il expédie à son tour quelques retours, sous forme d’expressions « épiphaniques » et elliptiques.
« DISCOURS DU MAÎTRE » ET « PSYCHOSE SOCIALE » :
RENDRE FOU UN INDIVIDU C’EST EMPECHER SA SUBJECTIVITE DE SE MANIFESTER, MEME SI C’EST PAR LE BIAIS D’UN SYMPTÔME, DONT L’ERADICATION EST PRESCRITE PAR LES TENANTS DE LA « PSYCHOSE SOCIALE », C’EST A DIRE CEUX QUI DETIENNENT UN SAVOIR RENFORCATEUR DES DIKTATS DE LA PARANOÏA INDIVIDUELLE OU DE L’IMPERIALISME ABSOLU DU MOI, POURTANT FONDE SUR UNE ABSENCE RADICALE ET IRREVERSIBLE DE TOUTE ONTOLOGIE, APPELEE « MANQUE A ETRE » (LACAN).
« Ce n’est pas parce que la verwerfung rend fou un sujet quand elle se produit dans l’inconscient, que la même, et du même nom d’où FREUD l’emprunte, ne règne pas sur le monde comme un pouvoir rationnellement justifié.» (LACAN . Le savoir du psychanalyste).
« Aussi bien du même belvédère où nous a porté la subjectivité délirante, nous tournerons-nous aussi vers la subjectivité scientifique : nous voulons dire celle que le savany à l’œuvre dans la science, partage avec l’homme de la civilisation qui la supporte. Nous ne nierons pas qu’au point du monde où nous résidons, nous en avons vu assez là-dessus pour nous interroger sur les critères par où l’homme d’un discours sur la liberté qu’il faut bien qualifier de délirant (nous y avons consacré un de nos séminaires), d’un concept du réel où le déterminisme n’est qu’un alibi, vite angoissant si l’on tente d’en étendre le champ au hasard (nous l’avons fait éprouver à notre auditoire dans une expérience test), d’une croyance qui le rassemble pour la moitié au moins de l’univers sous le symbole du Père Noël (ce qui ne peut échapper à personne), nous détournerait de le situer, par une analogie légitime, dans la catégorie de la psychose sociale, pour l’instauration de laquelle Pascal, si nous ne nous trompons pas, nous aurait précédé.
Qu’une telle psychose s’avère compatible avec ce qu’on appelle le bon ordre, c’est ce qui n’est pas douteux, mais ce n’est pas non plus ce qui autorise le psychiatre, fût-il le psychanalyste-, à se fier à sa propre compatibilité avec cet ordre pour se croire en possession d’une idée adéquate de la réalité à quoi son patient se montrerait inégal.
Peut-être dans ces conditions ferait-il mieux d’élider cette idée de son appréciation des fondements de la psychose : ce qui ramène notre regard à l’objectif de son traitement. » (LACAN. « D’une question préliminaire à tout traitement possible de la psychose ». Ecrits)
« Pour l’individu comme pour l’humanité en général, la vie est difficile à supporter». (S. FREUD. « L’avenir d’une illusion »)
«La culture humaine – j’entends tout ce par quoi la vie humaine s’est élevée au-dessus des conditions animales et par où elle diffère de la vie des bêtes, et je dédaigne de séparer la civilisation de la «culture » – présente, ainsi que l’on sait, à l’observateur deux faces. Elle comprend, d’une part, tout le savoir et le pouvoir qu’ont acquis les hommes afin de maîtriser les forces de la nature et de conquérir sur elle des biens susceptibles de satisfaire aux besoins humains, d’autre part, toutes les dispositions nécessaires pour régler les rapports des hommes entre eux, en particulier la répartition des biens accessibles ». (S. FREUD. « L’avenir d’une illusion »).
« Cette identification des opprimés à la classe qui les gouverne et les exploite n’est cependant qu’une partie d’un plus vaste ensemble. Les opprimés peuvent par ailleurs être attachés affectivement à ceux qui les oppriment, et malgré leur hostilité contre ceux-ci voir en leurs maîtres leur idéal ». (S. FREUD. Ibid.)
….Les foules sont inertes et inintelligentes, elles n’aiment pas les renoncements à l’instinct, on ne peut les convaincre par des arguments de l’inéluctabilité de ceux-ci et les individus qui les composent se supportent l’un l’autre pour donner libre jeu à leur propre dérèglement. » (S.FREUD. Ibid.)
« Mais la détresse humaine demeure et avec elle la nostalgie du père et des dieux ». (S. FREUD. Ibid.)
« Dans le capitalisme il faut voir une religion, c’est-à-dire que le capitalisme sert essentiellement à l’apaisement des mêmes soucis, souffrances et inquiétudes auxquels lesdites religions apportaient jadis une réponse ». W. BENJAMIN (Le capitalisme comme religion).
L’IMPERIALISME OU LE REGNE SANS PARTAGE DE LA RAISON BILATERE COMME PIVOT DE LA PSYCHOSE SOCIALE : NIHILISME ANNIHILATEUR DE L’HETEROS ET NEGATIONNISME. (Cf. les travaux d’Emmanuel FAYE sur HEIDEGGER)
Se soutenir des lectures de certains auteurs (es) pour produire ses propres fictions et autres théories, ne revient pas en vérité à rechercher leur caution et leur aval quant aux hypothèses émises. Cela consiste à mettre au jour le fait que ces auteurs (es) ne détiennent pas tous les sens de leurs écrits, et qu’il est possible d’en dégager de nouveaux, qui dépassent ce qu’ils (elles) ont initialement voulu dire. Toute lecture dépossède en quelque sorte l’auteur des ressources sémantiques contenues dans ses écrits. Un lecteur peut ainsi aller au-delà des limites que s’est assignées l’auteur. En dépassant les significations de ce dernier et en les déconstruisant, il devient auteur à son tour, grâce à la métonymie ouverte par l’écrit initial, dont le sens établi ne clôt pas la signifiance. Même le déluge imaginaire ne la sature pas, ni ne la suture d’ailleurs. Tout sens ouvre le texte qui le promeut à un dépassement qui l’arrime définitivement à ce qui lui échappe. Cependant, la structure subjective ne nous met pas en présence avec une herméneutique qui nie sa finitude. La signifiance permet et matérialise ces rapports qui mettent en jeu une dialectique particulière entre l’ex nihilo et ses effets constants en tant qu’ils en procèdent sans en venir à bout, de quelque façon que ce soit. Il s’agit d’une finitude qui assure une ouverture dont les conséquences aussi excessives soient-elles, que ce soit dans l’expansion extensionnelle de la manie ou dans la restriction dépressive, échouent à mettre en échec le « troumatisme » confirmateur de la condition subjective.
La base de la « psychose sociale » est représentée par le « discours du maître », qui transgresse sa structure propre en refusant de tenir compte de l’échappement qui le sous-tend et le soutient en tant qu’il est mis en scène par le fantasme, conçu comme la source de toutes les hypothèses renvoyant à la signifiance, laquelle matérialise cet échappement. Quant au désir, il est toujours inclus dans les hypothèses qu’il impulse et qu’elles voilent par là même. Il leur confère leur consistance en tant qu’elles procèdent de ce qui échappe et qu’elles produisent des effets imprévisibles et imprédictifs. Elles composent les énoncés qu’il faut prendre au mot et qui conduisent progressivement à la mise en évidence de la vanité des infatuations imaginaires, ferment de la psychose sociale. Le mépris que réserve la psychose sociale à la subjectivité, sous prétexte de faciliter et d’accélérer la fin de l’interdit qui instaure le « défaut de rapport sexuel », la conduit inévitablement à des méprises et à des impasses, qui restent inintelligibles tant son obstination à confondre « rapport sexuel » et « civilisation – et surtout en n’en voulant rien savoir – est tenace et violente. Le recours facile à l’amour comme solution pour réhabiliter sa raison, laquelle est souvent remise en cause et en question, lui permet de réhabiliter la prédicativité à laquelle elle tient par dessus tout. Lorsqu’un symptôme ouvre quelque peu à la « déraison », des circonstances inédites apparaissent pour qu’une de ses lectures possibles rende possible l’émergence de nouvelles modalités d’amour, qui lui retranchent les illusions qui le submergent et le font taire, tout en l’affectant d’une définition aussi précieuse que paradoxale (qui est à côté de la doxa), à savoir celle qui le spécifie comme « don de ce qu’on n’ pas » (LACAN). C’est ainsi qu’il devient possible de changer de raison, de logique et de discours, sans que cette « déraison’ devienne exclusive de la raison. En revanche, celle-ci cesse d’être exclusive, en conformité avec la norme sociale, farouchement réfractaire à la subjectivité, même lorsqu’elle se veut « progressiste ». Le transfert, impliqué dans la cure, ouvre cette façon « d’aimer à perdre la raison », celle que récuse la psychose sociale. Prendre au mot et à la lettre les fictions stimulées par l’association libre permet de mettre au jour la place du désir dans ces fictions , constituées d’incessantes hypothèses, fixatrices du réel qui les transcende en leur échappant inexorablement.
Si l’être fait radicalement défaut, comment compenser ce manque essentiel sinon en faisant appel à des objets auxquels on prête, grâce au fantasme de chacun (e ) la capacité d’assurer, voire de garantir une complétude par le biais de l’avoir. S’approprier un ou des objets investis, voire surinvestis, devient l’objectif de toute conquête ontologique, grosse d’illusions et de déceptions, qui servent en vérité le désir en tant qu’il ne se satisfait d’aucun objet pré-établi comme dans le cadre d’un besoin, dont l’universalité est posée a priori.
La « psychose sociale » élimine d’autant mieux le désir, et partant le sujet, qu’elle est à l’initiative de discours qui ne cessent de faire prévaloir –grâce aux théories humanistes qu’elle impulse et influence- les illusions propres à ces modalités d’amour qui répètent inlassablement leurs incantations, en vue d’assurer une complétude par le biais d’un objet idéalisé (« condensateur de jouissance », selon LACAN), censé compléter, c’est à dire achever (dans tous les sens du terme) la subjectivité. C ‘est ce qui explique, de mon point de vue, les dangers encourus, qui proviennent de ces théories qui s’acharnent à récuser coûte que coûte, la loi essentielle, partagée par tous les « êtres parlants », quelles que soient leurs cultures : celle de l’interdit de l’inceste.
Alors que la « civilisation » met en valeur et défend, selon moi, le « défaut de rapport sexuel », qu’une grande majorité d’individus prend pour un obstacle qui la rend inaccessible en tant qu’elle équivaut à la jouissance totale et complète, elle sert en fait de base d’édification de cultures diverses et différentes, qui n’ont de cesse de refouler leur fondement, dont témoigne la « clocherie » de l’inconscient, sous la forme de ses différentes formations : du lapsus au symptôme, en passant par le rêve. Ainsi, si les cultures visent l’unité des individus et le recouvrement de leur complétude et de leur plénitude, par ailleurs impossibles, elles deviennent d’autant plus menaçantes qu’elles sont exclusives de la division fondatrice de la subjectivité, désormais caractérisée par son inclusion irrévocable, donnant ainsi lieu à une « unarité », spécifique aux « êtres parlants », marqués à tout jamais par une altérité, qui altère et trouble leurs penchants paranoïaques. S’exhibant alors comme victimes, ils se privent de ce progrès de grande valeur qui consiste à passer progressivement de cette condition, imputée à un ou des autres, à un état de complexité qui leur offre la possibilité d’envisager et d’interroger la part et la responsabilité prises dans ce qui leur est arrivé, à tous (toutes) et à chacun ( e ). Ce passage procède de la prise en compte de la polysémie qui fait valoir l’équivocité sémantique et favorise l’accès à la logique moebienne qui permet la réécriture de sa propre histoire en donnant naissance à de nouvelles fictions, dorénavant respectueuses de leur vide matriciel qui les fonde et les matérialisent comme autant de métaphores possibles, bouleversant les rapports entre l’antécédence et ses conséquences. Désormais, c’est grâce et à partir des effets, c’est à dire des conséquences que se dégage progressivement leur antécédence qui se voit in fine confirmée par la naissance de nouvelles productions, toujours porteuses de ce fondement insaisissable en soi.
Rejeter cette logique spécifique, issue de la subversion par le sujet de la logique classique à laquelle est attaché et arrimé le moi, revient à se maltraiter en se soumettant à des pensées figées pare qu’indiscutables, à la merci des infatuations et des lubies moïques, illustrées par l’expression courante :« C’est plus fort que moi ! », dont l’ambiguité favorise le déploiement et peut apporter son lot de surprises sémantiques. Elles révèlent l’inclusion du désir dans ce qu’il impulse, produit manifestement et concrètement, et qui le masque en même temps. Ainsi, les réifications et les objectivations, liées aux infatuations du moi, s’avèrent moins toxiques pour le sujet qui les subvertit plus ou moins implicitement en introduisant un trouble, lequel provient de cet échappement en tant qu’il porte et véhicule une dimension, dont le nouveau nouage, accompli avec les autres qui l’accompagnent, est incontestablement subversif pour la « psychose sociale », surtout s’il parvient à être mis en commun et partagé.
Sous le prétexte fallacieux d’en finir avec le prétendu hermétisme du DA (discours analytique), qui n’est « fermé », inaudible que pour ceux qui ne veulent rien savoir de de la polysémie et de l’altérité, la dérive est toute prête pour que la psychanalyse devienne la boutique spécialisée en conversions idéologiques pour individus en mal d’infatuation aussi vaniteuse que perverse. Plutôt que s’abîmer dans ce genre de vulgarité vulgarisante, mieux vaut travailler à formuler correctement certaines questions fondamentales, qui , même si elles sont radicales, ne sont pas pour autant sectaires. Ainsi, il ne semble pas inopportun de se demander comment il est possible de rendre compte sérieusement de la complexité de la logique de l’inconscient, sans la dégrader ni la corrompre, sous prétexte de la vulgariser, ni l’enténébrer outre mesure avec des circonvolutions et des contorsions qui la disqualifient au lieu d’éclairer ses rapports internes ? Cette complexité tient à la signifiance que les énoncés, déterminés par le nécessaire « discours du maître », ont tendance à oublier malgré les malentendus inévitables qu’ils génèrent, en mettant au jour la polysémie qui la concrétise, ainsi que la diversité des réalités qu’elle construit et produit.
Distinguer les psychoses de « la folie », qui est représentée par l’irresponsabilité de la « belle âme », fervente adepte du discours du maître, paradigmatique de la raison dont le caractère bilarère est seul reconnu et retenu, au détriment de la signifiance ou de l’intension unilatère, qui renvoie à l’unarité, et par conséquent à l’altérité qui lui est consubstantielle et constitutive en tant qu’elle noue indéfectiblement les énoncés produits par le moi et l’énonciation qui lui échappe et le met en rapport avec ce qu’il ne peut maîtriser, quoi qu’il fasse et dise. Le refus de l’asphérique, mobilisé par la folie n’est pas la forclusion pathognomonique de la psychose, qui cherche à se libérer de la forclusion, ne serait ce que par le biais du délire , qui remet en jeu les rapports entre les extensions et l’intension ou la signifiance.
Malgré l’horreur inédite du nazisme, sorti des tréfonds de l’occident « civilisé », le refoulement et la méconnaissance qui enveloppent cette « tare » ineffaçable de l’histoire de l’humanité, poursuivent leur œuvre en s’acharnant à faire de ce même occident, dont les fondements sont restés identiques, le « phare » de la civilisation planétaire. Cette civilisation consiste essentiellement à nier la subjectivité en tentant par tous les moyens, politiques idéologiques, scientifiques, religieux et institutionnels, – des pires aux plus humanistes – de suturer et d’obturer le défaut fondateur de l’ »ex-sisence », qu’il s’agit alors – mondialisation oblige-d’apprendre à démentir sous toutes les latitudes du globe, grâce à des éléments de langage, dont il faut payer le prix, tant leurs créateurs et autres inspirateurs font preuve et œuvre d’intelligence. Pourvoyeurs de mort, ils s’ingénient à masquer celle-ci sous leurs techniques et manœuvres perverses qui font miroiter aux yeux des foules, des modes d’ infatuation imaginaire, préparant progressivement l’avènement de la dictature et du despotisme. Ces foules partagent alors amoureusement, sur fond de masochisme, ces régimes politiques sadiques qui les nourrissent grâce à une pléthore de charlatans. « Menées par le bout du nez » par ces derniers, les foules en question ne lâchent jamais leur infatuation qu’elles croient garantie par ces « vulcanisateurs » du moi, dont la toute-puissance est proportionnelle aux actes sadiques qu’ils réservent à ceux qui refusent ce genre d’infatuation. Prétendument altruiste, celle-ci est en fait partagée par les mêmes, les identiques, qui peuvent se sacrifier collectivement en faisant de la mort l’apothéose de leur infatuaton pleine d’illusions. En refusant la soumission aux lois non écrites de la structure subjective, mais inscrites dans le corps de chacun (e ), l’Histoire se rétrécit au point de ne laisser qu’une seule et unique voie : celle des drames et des tragédies qui atteignent et éclaboussent surtout ceux et celles qui, dès le départ, ont renoncé catégoriquement à « tremper », d’une manière ou d’une autre dans cette funeste infatuation.
La « folie » ou « psychose sociale » répond parfois brutalement au retour violent et virulent du refoulé pour mettre en péril le sujet en tant qu’il est la négation constitutive du moi. Le comble de la folie, c’est à dire l’apogée de la paranoïa, c’est la dépossession du symptôme dont souffre un sujet par celui ou celle dont le savoir supposé le réduit et le résume à un objet qui lui est soumis et complètement subordonné à son savoir . L’enfermement dans cette « folie » est tel que toute critique est inscrite dans la lutte menée par tous ceux et toutes celles qui n’ont de cesse d’obturer le défaut, inhérent à la subjectivité, et fondateur de l »ex-sistence ». Cette tendance générale, partagée par une majorité écrasante d’individus qui refusent leur condition commune d’être parlant, résiste et fait échec à tout ce qui peut subvertir ses tentatives vaines de colmatage. Quelle que soit la qualité des arguments et leur solidité logique, la paranoïa persiste et s’impose avec violence, si besoin, surtout si des théories prédicatives, de type scientifique, et vulgaire, parviennent à vulgariser cette folie humaniste, en éliminant tout travail critique faisant valoir le sujet en tant qu’il subvertit et négative la prédation par addiction à l’avoir (l’argent) pour être. Convoquer la religion et la science, identifiée par leurs adeptes, comme le nec plus ultra de la prédicativité, se rejoignent dans leur exclusion de la subjectivité en tant qu’elle représente la négation constante de l’être, dont la perte définitive constitue le fondement de l’existence. Contrairement aux théories ontologiques qui le mettent en avant comme ce qui échappe, et qui représente à ce titre l’acmé d’une liberté absolue qu’il s’agit de conquérir un jour par une discipline ou un assujettissement à une conception, à une idéologie idéale, enfin totalement prédicative, libérant l’ « être parlant » de la division à laquelle l’assigne sa dépendance irréversible du symbolique. Le vide, qui « substantifie » en quelque sorte la perte définitive de l’être, indissoluble de cette dernière, instaure une temporalité qui ne se réduit pas à une évolution chronologique. Il est omniprésent et se matérialise dans la métonymie qui articule un présent éternel à la chronologie, concrétisée par des métaphores. Il assure par cette omniprésence une continuité qui soutient des scansions, représentées et apportées par des métaphores qui viennent la marquer et mieux la faire ressortir ou la mettre en évidence. En soutenant et en assurant la continuité, le vide, issu de la perte irrémédiable de l’être, organise l’articulation dialectique de la métonymie et des métaphores en promouvant l’objet a, qui le représente. Ainsi, celui-ci assure la finitude de la structure subjective en l’ouvrant sur le transfini en tant qu’il fait échec et transcende toute fermeture idéologique, au dessein forclusif parfois affirmé et annoncé. Le ratage, qui sanctionne tout objet à visée de complémentarité et de complétude ontologiques, -fût-il fétichisé-, achève tout projet exclusif du sujet, entendu comme la négation de toute prédicativité restauratrice de l’être. Il prend la signification d’un échec quant il est dévalué et n’offre plus l’occasion de remettre en question le fondement qui le détermine, d’autant plus que le fantasme qui l’alimente, persiste et se nourrit d’idéologies –parfois opposées les unes aux autres- renforçatrices de prédicativité. Le ratage impose l’imprédicativité refoulée par les relations objectales destinées à écarter l’objet a, comme « cause du désir », maintenu sous le boisseau de la méconnaissance. Le « ne rien vouloir savoir » qui caractérise cette dernière, est le sort réservé bien souvent à ce que l’on sait, et qui se traduit par des propos dénégatifs. Les formations de l’inconscient représentent les épiphanies du sujet et l’altérité indépassable et incessante qu’il met constamment en œuvre, au grand dam des prises de conscience prônées par la psychologie, dont la médiocrité imbibe l’idéologie dominante et la doxa, et consolide par là même l’infatuation moïque en empêchant de désapprendre afin de ne plus identifier et confondre le savoir avec la vérité. Les quêtes ontologiques et identitaires de toutes sortes se multiplient dans le but d’en finir –en vain- avec la non-identité à soi dont témoignent les formations de l’inconscient.
Cette logique propre à la subjectivité est complètement étrangère aux spécialistes en fumisterie empathique, même s’ils se réfèrent emphatiquement à la psychanalyse, qu’ils réduisent à une camelote idéologique, adaptée à la « modernité », voire à la « post-modernité », toutes deux infestées par le capitalisme, qui ne souffre pas le sujet, même sous ses apparitions épiphaniques. Elles permettent cependant à ce dernier de se soustraire subtilement au pouvoir oppressif, issu du système d’exploitation qui règne de façon hégémonique sur la planète, sous des formes clinquantes et sophistiquées, mais aussi sous des formes féodales et esclavagistes. Dans un tel contexte, les idéologies qui brandissent le réalisme prédicatif, promeuvent une ontologie qui entretient les illusions d’achever le moi en être, en violant l’impossibilité constitutive de la structure subjective. Le transfini auquel ouvre la finitude de cette dernière pour mettre en valeur l’ndécidabilité, est d’autant plus mis en échec que les idéologies qui l’excluent sont partagées par des masses rendues de plus en plus hostiles à la subjectivité et à sa logique. La mise en commun du vide est violemment décriée et dénoncée, même s’il détermine tous les échanges et les renouvelle sans cesse, montrant ainsi que les objets qui sont censés les satisfaire, remplissent leur office de façon éphémère et provisoire. Aussi, les théories individualistes, garantes de la réalsation de soi par le biais de la forclusion du sujet, s’avèrent-elles caduques à terme, car l’ « ex-sistence » de chacun et de tous, aussi compromise soit-elle, finit toujours par récupérer sa place et sa fonction essentielles. Mais avant cela, comme nous l’apprend l’Histoire, bien des drames et des morts se seront perpétrés.
« Songer, c’est penser….Alors un songe, c’est un rêve, une pensée, ou bien des pensées contenues dans ou par des images ?… » (propos d’analysant)
Comment « retrancher » la part paranoïaque du moi, et soustraire le sujet à son imperium ? Comment subvertir ses tendances totalitaires qui n’ont de cesse de refuser l’altérité que le moi finit par mettre au grand jour, au bénéfice de sa propre existence qu’il n’imagine que sous la forme des infatuations qui le malmènent, quelles que soient leurs justifications idéologiques et politiques, elles-mêmes fondées et établies sur la même raison que celle qui soutient et entretient ces dérives imaginaires?
Les menaces de paralysie de la pensée sont nombreuses lorsque la « psychose sociale » fait tout pour organiser la coalescence et la coagulation grégaire des individus, convaincus et décidés de décapiter le sujet, notamment la négation qui le représente auprès d’énoncés qui se rempardent dans un bilatère de plus en plus totalitaire et exclusif de l’unilatère sans lequel il lui est impossible de s’imposer. S’il se décompose, c’est en raison de ce dernier qui, s’il est démenti, finira toujours à terme par avoir le dernier mot sur ses fictions et ses productions imaginaires, fussent-elles séduisantes et attirantes pour mieux lui faire écran.
Les porteurs sains du racisme sont ceux qui refusent d’articuler le bilatère à l’unilatère. Quant à leurs victimes, si elles partagent ce refus, elles resteront enfermées dans la même logique que celle qu’elles réprouvent et combattent de manière si ostensible et justifiée. Elles contribuent à l’aggravation du bilatère, et partant de l’impensé qu’il nourrit, tout en mettant en péril le sujet. Assurer l’advenue de celui-ci en évidant le bilatère, à partir de la négation qui le détermine, mais qu’il rejette, passe pour sacrilège aux yeux des tenants de l’unanimisme bilatère. Ce sacrilège les met en émoi, et leur liberté devient coupable lorsqu’elle finit par dévoiler son fondement incestueux. Mais mettre au jour celui-ci peut déclencher une violence terrible, qui s’acharne à enterrer le réel qui se terre dans des commentaires, de plus en plus obstinés à le taire et à le récuser totalement, au besoin en éliminant physiquement tous ceux et toutes celles qui peuvent le représenter et le rappeler d’une manière ou d’une autre. Pourtant, les divers enseignements de l’Hisoire nous apprennent que l’élimination physique n’éradique pas pour autant une conception gênante, voire dangereuse, qui persiste et perdure à cause de fondements et de raisons qui le lui permettent, et qu’il s’agit d’analyser sérieusement, en exposant au grand jour les moyens conceptuels retenus et sélectionnés pour cette dure et âpre tâche. Comme dans la clinique individuelle, face à des symptômes subjectifs, il est question de mettre en place une méthode de lecture qui tient compte des dimensions requises par l’organisation et la production de fictions qui constituent des réalités, devenues réifiées et objectivées, voire chosifiées tant leur déni du vide qui les détermine est massif. Certaines d’entre elles poussent la perversion jusqu’à s’emparer du vide pour le réduire à une catégorie ontologique, maîtrisable au point de se voir dépouillé de sa caractéristique essentielle :l’échappement qui est la véritable source de productions qui le subsument en le métaphorisant et en le travestissant, sans pour autant qu’elles en soient libérées. Mépriser cette structure engagée par le langage débouche immanquablement sur une humiliation du sujet et une aggravation de l’impensé dès lors que l’évidement – comme mise en jeu du vide- ne sert plus la lyse du bilatère et ferme la voie à la « métapsychologie », soutenue et vivifiée par l’échappement.
Cet échappement donne sa consistance au réel, qui suscite sans cesse la naissance de fictions intégrant le symbolique et l’imaginaire, qu’elles articulent grâce à ce qu’elles ne peuvent maîtriser . Il est propice aux lectures qui lysent ces fictions et contribuent à la densification de la « béance causale », qui s’associe à la « compactification de la faille ». Ainsi, la censure de la pulsion de mort est en échec : les risques mortifères qu’elle engendre se dissipent parce que les objets de complétude ontologique, se distinguent désormais de ceux du désir, qu’ils pervertissent en contrevenant à la Loi qu’instaure l’objet a. Aussi ne faut-il pas confondre les défaillances povoquées par les tentatives d’obturation de la béance, et la faille elle –même, qui constitue la subjectivité, contre laquelle se multiplient ces dernières.
Elever la lecture « lytique » au rang d’un acte psychanalytique exige que toute pensée soit renvoyée à ce qui la fonde et à ses dimensions constitutives, afin que son idéalisation ne conduise pas à une idolâtrie , finalement exclusive de l’inconscient qui la détermine. S’il y a de l’inattendu avec le DA, cet inattendu ne tombe pas magiquement du ciel. Son caractère aléatoire procède du travail analytique, qui requiert une rigueur protectrice de son éthique. Ainsi, une telle lecture aide à bien formuler une problématique : elle peut mettre en lumière ce qui fait défaut à la logique du discours qui l’incite à la poser et à la traduire dans ses termes initiaux, lesquels s’avèrent inadéquats tant les effets qu’ils induisent donnent lieu à des difficultés, vécues parfois comme insurmontables. L’enlisement et l’engluement dans un discours prennent du temps à se détacher de la personne qui s’en plaint, mais qui ne parvient pas à s’en libérer, tant l’investissement qu’elle lui voue et lui attribue est massif. Elle y tient et l’aime autant qu’elle même : il fait corps avec elle, et est confondu avec elle. Cette lecture « lytique » identifie, sépare, distingue, réarticule mais n’ampute pas : elle est censée déboucher sur d’autres nouages possibles, fondés sur celui qui est impossible, et dont la cause est affectée à sa propre impuissance. La déception, voire la haine de soi qui en résultent, peuvent inciter à des passages à l’acte d’une violence qui est à la hauteur de cette insupportable impuissance, désormais identifiée et confondue avec l’impossibilité, inhérente à la structure subjective.
Les réponses sont des effets explicites, manifestes, issus d’hypothèses et de suppositions, restées implicites, latentes. En s’offrant à la « lyse » ou à l’évidement déconstructif du travail analytique, il s’agit d’élucider ces réponses, en faisant émerger, à partir des affects qu’elles charrient dans une équivocité et une ambiguité nécessaires, les conceptions qui leur donnent naissance, et les soutiennent au point de les présenter comme « naturelles » et indiscutables. Ce n’est pas parce qu’un symptôme les ébranle, que le travail visant à les déconstruire est favorisé. Au contraire, un tel symptôme, en fonction du traitement qui lui est réservé et selon le type de savoir et de lecture qu’il demande et recherche, peut les renforcer et les consolider, allant jusqu’à préférer sa chronicisation pour sacrifier la subjectivité, qui le détermine.
EXCES EXTENSIONNELS ET FICTIONNELS ET « PLUS DE JOUIR » : METONYMIE VS JOUISSANCE PHALLIQUE : METONYMIE, TEMPORALITE ET ADVENUE DU SUJET
LE VIDE NOUEUR : CREATEUR ET PRODUCTIF (EN NOUANT LES DIMENSIONS QUI, PAR LEUR PRÉSENCE ET LEUR PARTICULARITE LUI SONT NECESSAIRES (L’IMAGINAIRE ET LE SYMBOLIQUE ESSENTIELLEMENT), COMME IL L’EST EGALEMENT POUR ELLES, LE VIDE IMPULSE ET CRÉE TOUTES SORTES DE FICTIONS QUI LE METAPHORISENT SANS L’ANEANTIR)
Le transfert, comme modalité d’amour, rompt avec ses définitions banales et subverit les relations objectales qu’il commande. A ce titre, il est essentiel à la tâche analytique qui prend soin du désir en donnant toujours d’une manière telle que le ratage est toujours préservé, et qu’au don réponde un « ce n’est pas ça » qui ne renvoie plus à la déception, mais à la négation de toute complétude et de toutes les illusions qui l’accompagnent. Ce ratage inclut cependant la satisfaction et le plaisir qui soutiennent et entretiennent la métonymie propre au désir en tant qu’il se dégage progressivement de la chape de l’amour réduit à son univoque objectif d’obturation du « manque à être ».
Produire des innovations, créer, en intégrant le ratage, conduit à mettre en place des fictions dont la caractéristique essentielle consiste à abandonner la reproduction de conceptions ontologiques, dont la superposition et la juxtaposition laissent accroire que l’exhaustion par le savoir suffit à garantir la complétude et la réalisation de soi.
L’ « en plus » extensionnel, l’excès extensionnel ne complète d’aucune façon un énoncé, toujours lesté et déterminé par ce qui lui échappe et fonde la métonymie en tant qu’elle impose un inachèvement des métaphores qui renvoient à l’intension et à la signifiance. Cette dernière enrichit les extensions parce qu’elle les incomplète et suscite leurs développements en tant qu’ils concrétisent le réel et sa temporalité spécifique. En effet, ce n’est pas l’accumulation exponentielle de métaphores qui viendra à bout de l’échappement. Et ce n’est pas la maîtrise de celui-ci qui instaurera une fois pour toute la vérité, dont la fuite est productrice d’hypothèses et de suppositions nécessaires pour saisir la chronologie qui rend compte métaphoriquement de l’éternité, insaisissable comme telle. La chronologie présentifie, actualise cette dernière mais ne la maîtrise d’aucune façon.
Compléter un propos dans le sens, non pas de le conclure, mais de le clore, relève d’une impossibilité qui ressortit à la structure en tant que son fondement inaliénable consiste en l’échappement d’une essence, représentée par une métaphore qui l’exprime de façon plus ou moins manifeste et non univoque. Comme énoncé, toute métaphore ouvre sur une énonciation, qui présentifie la signifiance et favorise un abord asphérique des extensions en vue de les lire en les déconstruisant (analyse) sans aucun souci de les anéantir ou de les éradiquer. La négation, qui est à l’œuvre dans cette approche privilégiant les rapports entre extensions et intension, selon le principe la prééminence du conséquent sur l’antécédent qui le confirme ensuite, éloigne de toute réification psychotisante et rapproche de l’objet a, mobilisateur de la subjectivité. Le vide auquel renvoie l’échappement n’est plus prétexte à un nihilisme réactionnaire, qui fait l’affaire des adeptes de l’ontologie, anarchistes –de droite ou de gauche- inclus. Les difficultés rencontrées par toute extension, fût-elle idéalisée, renvoient aux rapports qu’elle entretient avec l’intension implicite, qu’elle ne peut pas ne pas matérialiser et qui, par là-même, fait échec à son objectivation et à sa réification psychotisante, même si la psychose sociale l’avalise et la confirme à l’aide de ses pouvoirs institutionnels. La mise en échec du sujet par la réification est temporaire : l’objectivation de l’individu qui tend à reléguer et à forclore le sujet ne peut qu’être temporaire face aux commandements de l’ex-sistence, fidèles à l’incomplétude du symbolique. La pulsion de mort vient à point nommé pour battre en brèche et lyser cette réification et libérer le créationnisme signifiant. Elle promeut l’asphéricité pour permettre aux extensions de reprendre leur juste place et ne pas se laisser cantonner à exclure l’intension. Le recours aux pires extensions qui se réfèrent à des conceptions qui ne visent que le refus et la forclusion de la signifiance pervertit la science en l’assignant à une fonction prédicative qui la sclérose et la stérilise in fine. Or, tous ses développements témoignent de ses capacités méthodologiques à mettre en continuité ce qu’elle distingue, différencie, identifie et oppose sur la base de la signifiance, qu ‘elle ne peut nier. La psychanalyse ne prône pas d’injection factice de l’asphéricité qui serait manquante ou en déficit, sans que la signifiance ne soit « réveillée ». Plutôt que ce genre d’injection par suggestion, elle propose de mettre en œuvre celle-ci grâce à la lecture -à la lettre- des extensions qui n’en veulent rien savoir, et auxquelles elle propose de développer les arguments explicitant cette méconnaissance et cette récusation.
DISCOURS DU MAÎTRE, SUJET SUPPOSE SAVOIR ET SYMPTÔME COMME OCCURRENCE PROPICE A L’EMERGENCE DE LA SUBJECTIVITE.
LE CAPITALISME : MISE A MORT DE « L’ETERNEL FEMININ » OU LE SAUVETAGE DE CE DERNIER ET SA MISE EN AVANT POUR COMBATTRE LE CAPITALISME, QUI N’HESITE PAS A RECOURIR AU FASCISME ET AU NAZISME LORSQUE L’AVOIR ECHOUE A VAINCRE LE « MANQUE A ETRE » « DEMOCRATIQUEMENT », C’EST A DIRE AVEC L’ASSENTIMENT D’UNE MAJORITE QUI NE TIENT PAS COMPTE DE LA STRUCTURE SUBJECTIVE. OR, LA VERITABLE DÉMOCRATIE NE DOIT ELLE PAS S’APPUYER ET RESPECTER LES LOIS DE CETTE DERNIERE ?
SE SOIGNER, C’EST PRENDRE SOIN DE SON DÉSIR ET DE LA LOI QUI LE FONDE ET REND PAR LA-MÊME IMPOSSIBLE LA JOUISSANCE PHALLIQUE, TOUJOURS A L’ŒUVRE A TRAVERS LA FONCTION SIGNIFIANTE.
La dépendance du symbolique et l’inévitable et irrévocable castration qui s’ensuit, mettent en évidence la mise en commun de cette castration symbolique, qui fait la fraternité de tous les êtres parlants. Ils en dépendent tous sans exception, sans pour autant que leurs différences soient dissoutes dans une unité de masse, exclusive de leur singularité. Cette dernière procède de « l’unarité » qui renvoie à cet Un qui articule dialectiquement identité et différences ou particularités, selon le principe logique que les unes ne peuvent exister sans les autres et inversement. Lorsque ces « frères » butent sur la foonction du Père, tel que Freud l’a métaphorisée dans « Totem et tabou », alors, ils se transforment en ennemis acharnés, se combattant et se tuant pour démentir et faire échec à cette « unarité » nécessaire portant à leur existence. Tous les moyens sont alors bons pour mobiliser outrageusement l’imaginaire contre l’incomplétude du symbolique qui fait l’assise du réel. Même le sacrifice est convoqué pour s’assurer de la libération de cette castration : la course effrénée aux stratagèmes les plus pervers est lancée par des idéologues de divers acabits en vue de désigner toutes les conceptions –religieuses et/ou scientifiques- capables d’apporter la prédicativité indiquée pour mettre à bas cette castration, inhérente à la soumission irrémédiable à l’ordre symbolique. Asservir une ou des conceptions à une idéologie dominante, aussi puissante soit-elle, met en évidence la méconnaissance -même de la part de ceux qui sont censés avoir saisi cette dépendance- qui nourrit les tueries au profit d’un marché mondialisé, géré par des méthodes de plus en plus despotiques, de plus en plus mal dissimulées par les oripeaux de la liberté. Ce que l’on vient de vivre pendant la pandémie de la covid-19 l’illustre à merveille, notamment lors des discussions byzantines sur les études cliniques randomisées, élevées au rang de vérité absolue , et défendue par des idéologues, férus d’empirisme, et surtout au service du marché du médicament, qui n’a rien à voir avec les méthodes scientifiques mise en œuvre dans les lectures des tableaux cliniques, et leurs nterprétations. Respecter la complexité de la clinique, revient à compléter des lectures diverses et différents, en n’annulant aucunement la complexité par une interprétation qui prétend la clore, fût-elle élevée au rang de vérité par les tenants du monopole du pouvoir poltico-scientifique, réfractaire à l’imprédicativité fondamentale de la science, et capable « d’écraser » toute référence rappelant cette caractéristique ou cette propriété essentielle de la science.
CONFLICTUALITE ET ETHIQUE : METTRE EN ABIME EN S’APPUYANT SUR LA PULSION DE MORT NE SIGNIFIE PAS ABIMER SADIQUEMENT UNE FICTION EN VUE DE RENFORCER SON INFATUATION- MANAGEMENT ET PSYCHOSE SOCIALE
Si l’inconscient se définit essentiellement par la méconnaissance, c’est à dire par le fait de « ne pas se rappeler ce qu’on sait » (LACAN), la démarcation avec l’ignorance est établie. Aussi, dès lors que le savoir n’est pas confondu par identification à la vérité, l’éthique est préservée. Cette dernière s’accompagne d’une humilité qui n’est pas feinte, puisqu’elle est inhérente aux limites qu’impose à tous les êtres parlants, et à chacun d’eux, la dépendance du symbolique, qui, malgré l’inflation imaginaire toujours possible, ne se départit jamais du réel, qui lui échappe inexorablement et de manière implacable, soulignant ainsi l’impossibilité qui spécifie cette dimension. Toute conflictualité qui nie la négativité, mise en œuvre par la structure subjective, se perd dans des luttes de type paranoïaque, polarisées par des combats dont l’enjeu ontologique, même s’il s’avère vain après-coup, peut conduire à la mort et à la mise à mort de tout opposant, mu dorénavant en persécuteur.
Même le ratage de la complétude par la conquête d’un objet, enfin garant de l’accomplissement de son projet ontologique et identitaire, qui ressortit à la structure, peut être interprété en terme de persécution, pouvant favoriser des passages à l’acte qui empêchent et entravent la confirmation de son statut d’être parlant. Cet obstacle échoue en fin de compte à faire échec au symbolique qui sous-tend la métonymie en produisant de l’en-plus, lequel ouvre la voie au « plus de jouir ».
Une des questions principales dans lesquelles on passe son temps à se débattre sans débattre sérieusement, faute de formuer sérieusement la problématique en jeu, consiste à se demander quelles sont les conditions idoines à induire lorsqu’on s’oppose résolument à une conception « incarcérée » dans le DM, pour qu’il soit possible de promouvoir une théorie différente, mais dont la spécificité et la singularité lui assurent une capacité certaine à transcender ce dernier, sans prétendre l ‘anéantir ni s’y laisser enfermer complètement. C’est dans un tel contexte que l’acte psychanalytique est politique. Non pas dans le sens partisan, mais bien dans le sens où les ruptures qu’il induit et engendre, ravivent et réaniment la négativité propre à l’inconscient, amenant ainsi à la redéfinition d’une place et d’un positionnement dans des rapports sociaux, qui tiennent désormais compte des lois de la subjectivité, lesquelles contreviennent à celles que se donne une société, généralement mûe par des conflits tendant à exclure la subjectivité. Même s’il est impossible de nier les manifestations affectives de sentiments, comme l’amour et la haine et leurs corrélats sado-masochistes, concrétisés par les crimes et les tortures, entre autres. Les déplorations redondantes des caractères horribles et exécrables des massacres de masse ou d’individus, ne sont pas du tout dissuasives quant à leurs répétitions et à leurs multiplications, à travers le monde. Elles se « fracassent » en vérité sur ce qu’elles refoulent et ne veulent pas savoir et qui est lié au désir de chacun ( e ) en tant qu’il procède du ratage de toute relation objectale visant la complétude illusoire de ceux qui s’identifient comme classes, groupes ou nations, dont le degré de civilisation est mesuré désormais à l’aune de l’oubli de la condition d’ « être parlant », pour croire enfin se « libérer » de la subjectivité. La civilisation devient de plus en plus mortifère lorsqu’elle s’acharne à exhiber tous les moyens matériels et idéologiques pour mettre à bas l’inconscient qui persiste pourtant à travers ses formations, desquelles les symptômes sont séparés et « remis entre les mains » de ceux qui dénient leur fondement en imposant un savoir prédicatif –de type scientifique, religieux voire charlatanesque- dont le but essentiel est d’exclure la subjectivité et sa raison, qui altère celle qui se veut « bilatèrement » pure. L’hygiénisme « mental », corrélatif de la paranoïa de la « norme-mâle », tente de « purifier » la conscience et sa raison de ce défaut essentiel qui la fonde implicitement, et qui l’altère en lui ouvrant d’autres horizons, lesquels s’avèrent menaçants pour l’obscurantisme qu’elle soutient et développe. Ce défaut essentiel « troumatisme » (LACAN) ressortit à la féminité en tant qu’elle instaure une limite que nul être parlant ne saurait anéantir, quoi qu’il fasse et quelque pathologie qu’il présente : l’interdit de l’inceste, inclus définitivement à la condition d’ « être parlant », dont aucune remise en question ne peut en départir ou libérer. Même les psychoses échouent dans leurs tentatives de mise en échec de ce fondement existentiel irrécusable.
En déterminant n’importe quelle fiction, le réel les infuse et les soumet à une négativité qui confirme l’écart ou le vide constitutif du symbolique, en tant qu’il naît de la mort, de la disparition définitive de toute essence « objective ». C’est ainsi qu’il accède au rang de matrice de tous les rapports possibles qui concrétisent sa structure en tant qu’elle ne fait tenir les fictions qu’elle génère, que par cet écart ou ce vide, porteur de la signifiance et stimulateur des déconstructions qu’elle autorise. Cette négativité à l’œuvre dans les productions rendues possibles par la signifiance, articule la féminité à la métonymie en faisant valoir l’interdit de l’inceste comme une loi essentielle, paradigmatique en tant qu’elle n’est pas écrite et n’ a pas à être incarnée par quiconque quel que soit le pouvoir qu’il s’arroge, en caricaturant ainsi le pire de la fonction paternelle. La caractéristique fondamentale de celle-ci est de promouvoir un principe moteur de la négativité : la présentification de l’absence, qui rejoint le « meurtre de la chose » en tant qu’il fonde le signifiant et préserve le vide qui le consolide tout en lui permettant d’évoluer et de se développer sous la forme de métaphorisations de la métonymie (continuité et déroulement du vide).
La structure du DA permet de dire sans ambages qu’un psychanalyste n’est pas un convertisseur idéologique. C’est un liseur « lyseur », au service de la signifiance, contenue dans toute fiction, notamment celle qui la nie et cherche à étayer et à soutenir ce qu’elle dément, en mettant ainsi au jour qu’ « un signifiant ne peut se signifier lui-même », et que sa structure le contraint à faire appel à un autre, qui confirme le sens, qu’à lui seul il ne peut assurer. Le principe de non-identité à soi introduit une altérité qui met en œuvre une rétroprogrédience témoignant d’une imprédicativité indépassable, malgré le sens donné, qui n’est jamais fixé définitivement. Un tel sens n’exclut pas sa révision : il montre son impossibilité de suturer le vide ou la perte d’essence qui fonde la signifiance.
En subvertissant fondamentalement, mais partiellement la « nature », c’est à dire le corps biologique, le langage ou l’ordre symbolique, instaure et met en place une sexualité, dont la spécificité paradigmatique tient à son défaut constitutif : celui du « rapport sexuel ». Et c’est en cela que réside l’hérésie et le « mystère » de l’inconscient, dont le « troumatisme » est gros et prometteur de civilisation,malgré les entraves qui lui sont opposées, qu’elles soient de type pathologique et/ou idéologique et politique.
Partager une même quête identitaire et une même conquête ontologique, tout en défendant des thèses opposées, est le marché de dupes que nous « offre » la « démocratie ». Elle participe et contribue activement à la méconnaissance de plus en plus tenace du « manque à être », tout en aggravant le risque d’engendrer des conséquences de plus en plus totalitaires dès lors que le sujet s’affirme et se fait reconnaître à travers des manifestations indubitables de la division, caractéristique de la subjectivité. Le combat et la concurrence que se livrent les illusions de l’assurance identitaire échouent inéluctablement sur ce « manque à être » qui, indissolublement lié à la condition des « êtres parlants », les contraint toujours à dire plus que ce qu’ils veulent signifier. Grâce à leurs énoncés, ils témoignent ainsi de leur altérité qui fait voler en éclats leurs illusions identitaires, soutenues par le rejet et l’exclusion du principe de non-identité à soi. Leur moi échoue à imposer sa tendance paranoïaque, qui s’avère très inhibitrice sur le plan intellectuel en privilégiant outrageusement les conceptions bilatères, exclusives de l’unilatère, d’autant plus censuré par l’ordre social, qui s’appuie sur le rejet par les masses de la subjectivité. Même les opposants à cet ordre se retrouvent très souvent enfermés et reclus, voire perclus dans des thèses qui, malgré leurs différences et divergences, appartiennent à un même discours, à un même lien social qui les sclérose et les déleste de la négativité inhérente au signifiant. L’exclusion corrélative de l’altérité qui constitue la subjectivité, accompagne le déni des formations de l’inconscient et rejette les dimensions qu’elles mettent en œuvre quant à la construction des représentations et des interprétations, dont la diversité et la multiplicité confirment la signifiance structurale, si bien refoulée.
Faire valoir cette dernière revient à refonder sans cesse des fictions en remettant chaque fois à sa juste place le vide, qui les génère et leur imprime un mode et un rythme métonymiques en leur assignant une fonction métaphorique, concrétisant la présentification de son absence, dans les effets mêmes qu’il engendre.
Lire en « lysant » consiste à mettre au travail la négation en jeu dans la pulsion de mort qui permet une déconstruction, dont un des mérites consiste à restituer au vide toute sa richesse opérationnelle, laquelle se concrétise par l’évolution et la révolution fictionnelles, sous forme de passage d’un discours à un autre.
Toute œuvre culturelle humaniste qui prétend éradiquer l’inconscient au prétexte de gagner en civilisation, conduit inévitablement à la barbarie. Implicitement, la civilisation devient synonyme de fin de la subjectivité, c’est à dire de l’altérité.
Aux yeux de maints idéologues, asservis et au sevice de la « psychose sociale », tenir la corde de la « béance causale » envers et contre tout, et faire preuve de radicalité, passe pour du dogmatisme sectaire. L’identification, l’amalgame et la confusion de celui-ci avec celle-là compromettent gravement le DA et le dégrade en idéologie, obsédée par l’éradication plus ou moins implicite du sujet. Les convertisseurs idéologiques qui s’accaparent du DA, très empreints d’humanisme et de « droits de l’homme », l’intègrent à l’arsenal ontologique et prédicatif de la « psychose sociale », qui contrevient à la logique moebienne qui le fonde et qu’il promeut. Des officines se spécialisent dans la fabrication de cette camelote idéologique, qu’elle vend aussi à des colporteurs venus de pays anciennement colonisés, en quête de produits « high tech » pour suturer cette « béance causale », fondatrice de l’existence en tant qu’elle représente l’assise du sujet. Alors que l’inconscient ne cesse de faire valoir que le sujet procède du « troumatisme » essentiel, inhérent à la dépendance du symbolique, il me semble plus opportun d’abandonner le combat stérile, qui consiste à suturer cette béance, à tous ceux et à toutes celles qui s’enorgueillissent de défendre des thèses opposées, contradictoires, tout en partageant le même discours, celui « du maître » – allié le cas échéant à celui « de l’université », et/ou à celui « de l’hystérie », pour maintenir et entretenir les illusions accompagnant les projets futurs de colmatage du « troumatisme », fondateur de l’ « ex-sistence » subjective et à son service, grâce à la préservation de l’imprédicativité qu’il nourrit constamment, et qui se traduit dans toutes les manifestations du désir, frappées de méconnaissance par les idéologies qui refusent l’impact décisif de l’ordre symbolique quant à l’instauration du « manque à être », chez tous les « êtres parlants », comme chez chacun ( e ) d’eux. Si la prédicativité préfère se « perdre » dans des considérations vitalistes, qui font le « bonheur » de la « psychose sociale », c’est en vérité pour mieux opposer son démenti à l’imprédicativité qui favorise l’existence en tant qu’elle est inséparable du désir et de l’objet qui le cause, l’objet a, corrélatif du « troumatisme » ou de la « béance causale ». Construire une existence sur un fondement solide passe nécessairement par la déconstruction des illusions qui accompagnent les promesses prédicatives , visant la fin du « manque à être », autrement dit la fin du « défaut de rapport sexuel ». Cette fin devient la « voie royale » vers une jouissance, dont le caractère impérieux impose surmoïquement des sacrifices. Ainsi plutôt qu’un débridement des relations sexuelles,choyé par certains ( e s) c’est plutôt la privation et l’abstinence qui vont être prônées comme le moyen infaillible pour accomplir et atteindre ce « rapport sexuel » en tant qu’il leur assure la complétude et la plénitude absolues : le paradis du moi prétendument libéré du sujet. Sacrifier ce dernier pour « s’offrir » une infatuation moïque sans faille, est un mot d’ordre habituel provenant des théories qui étayent la « psychose sociale ». C’est à mon avis ce qui se passe lorsqu’une nationalité ou une identité nationale opère en participant au refoulement du manque à être, propre à chacun ( e ) : elle le dissimule sous des traits communs qui visent à unifier, à massifier de manière uniformisante et totalitaire, pour que toute référence à la singularité soit écartée et exclue. La « psychose sociale », mise en valeur par FREUD dans « Psychologie collective et analyse du moi », pousse au sacrifice du « manque à être » en tant qu’il met en œuvre la négation nécessaire à l’existence. En autorisant et en permettant ce sacrifice, la « psychose sociale » prépare tous ceux et toutes celles qui y consentent, à se sacrifier pour se battre jusqu’à la mort, contre ce « manque à être », perverti au point de devenir l’acmé du « traumatisme ». Les tenants de la « belle âme » n’ont plus qu’à s’agréger et à coaguler autour de ce dernier pour le conjurer et le colmater.
Les théories prédicatives sont nécessaires pour offrir les occasions de mettre au jour et en évidences les illusions qu’elles véhiculent. Celles qui concernent l’objectivité au sens de maîtrise du réel, sont vite éventées. Des énoncés usant de mots identiques, sont loin d’être entendus et compris de façon identique et uniforme par ceux qui les entendent, et deviennent par là même des interlocuteurs, dont les avis différents et divergents ne font que confirmer leur assujettissement à ce qui leur échappe dès lots qu’ils prennent la parole. Beaucoup plus que le sens qu’ils peuvent échanger, c’est surtout la signifiance qui constitue l’essentiel de leurs rapports d’échange, en tant qu’ils mettent au grand jour leur « manque à être » respectif, dont la communauté est mise en valeur par la particularité et la singularité de chacun ( e ).
L’annihilation ou l’anéantissement du vide comme matrice de l’hétéros : négationnisme potentiel
Les velléités subversives portées par certaines élaborations se privent de moyens conceptuels et logiques qui leur assurent un socle solide les libérant de la domination du DM et leur permettant de soutenir un travail analytique de fond, cohérent, pertinent et conséquent quant à la radicalité de l’éthique nouvelle, issue de ces constructions. L’enfermement dans la « psychose sociale » dévoie tous les savoirs commandés par le DM (discours du maître) et ses alliés, réunis pour éradiquer la subjectivité, dégradée au rang d’obstacle du « bonheur » de tous et de toutes, contrariés par le « défaut de rapport sexuel », dont l’anéantissement fait l’objet de transactions monnayables et commercialisables auxquelles prennent part les « experts » partageant la médiocrité intellectuelle généralisée, instaurée par les discours de la « psychose sociale » et les normes qu’ils édictent. Celles-ci contaminent même les thèses qui leur sont opposées et les critiquent à juste titre, tout en ne pouvant aller au-delà d’une limite, imposée par leur incapacité de prendre en compte ce « défaut de rapport sexuel » et ses conséquences logiques et théoriques, dont un des aspects subversifs essentiels consiste à conférer au vide son caractère éminemment opératoire quant au nouage des dimensions et des places en jeu dans les différents discours ou liens sociaux. Intégrer ce vide revient à tenir compte et à respecter le sujet. Cela implique un discours qui subvertisse le DM et rompe avec lui, sans l’anéantir ou l’exclure, d’autant qu’il s’avère nécessaire à toute déconstruction, quelle qu’en soit la teneur. Ainsi, des critiques, censées être fondées sur des travaux d’auteurs ayant déjà accompli une rupture épistémologique avec des théories qu’ils soumettent à leur analyse, mettent au jour non seulement leur incapacité à se mettre à la hauteur de telles avancées, mais aussi et surtout leur aptitude à les dégrader et à les pervertir, tant elles sont soumises et « coincées » dans le DM.
Quelle que soit l’idéologie, fût-elle sacralisée et/ou fétichisée, le vide qui lui donne naissance, et qu ‘elle matérialise, tient ceux et celles qui y adhèrent et leur permet d’en « décoller » pour en choisir une autre. Les modalités et les raisons du passage de l’une à l’autre, ainsi que leurs soubassements logico-théoriques, mettront au jour la place accordée à ce vide que la signifiance concrétise en le nommant.
Les inlassables et inépuisables redites concernant les promesses de colmatage du défaut du rapport sexuel, élevées au rang du stade suprême de la civilisation, « accouchent » de drames et d’horreurs dont les élucidations entretiennent sans cesse de nouvelles illusions quant à l’exclusion du vide, qui détermine et donne sa consistance à ce défaut. A l’encontre de ce qu’il est convenu d’appeler modernité, voire post-modernité, ce dernier contribue de fait à la civilisation en perpétuant le vide, dont témoigne la pensée, et qui procède de la mort de l’être. La penssée s’inhibe d’ailleurs quand elle ne se soucie obsessionnellement que de la « résurrection ontologique ». Elle s’enlise dans de nouvelles voies de comblement du vide, en les parant de tout un apparat fétichiste et fétichisant ou sacralisant le colmatage d’un défaut structural, impossible à obturer en raison de son inhérence à l’ordre symbolique, auquel tout être parlant est définitivement dépendant. Ce défaut fonde et soutient le sujet en tant qu’il échappe au moi, et renvoie à une altérité intime, qui s’exprime à travers les « formations de l’inconscient », d‘autant plus incompréhensibles qu’elles troublent et perturbent la raison qui régit ce dernier. Déraisonnables, ces manifestations convoquent les savoirs de supposés qui leur assignent un sens, d’autant plus figé qu’il est identifié et confondu avec la vérité, censée être contenue dans leurs connaissances.
Ce qui fait tenir ensemble les masses, ce qui relie et rassemble religieusement les foules, c’est la méconnaissance qu’elles partagent et mettent en commun pour refouler la subjectivité et promouvoir une unité imaginaire de façade , exclusive de toute singularité qui risque de mettre en jeu le désir. Les affects prennent des tours spectaculaires pour mieux taire la subjectivité, alors que leurs rapports avec celle-ci « crèvent les yeux » et écartent les pensées qui composent et construisent les fictions qu’ils relèguent au second plan. A ces affects, déliés de la subjectivité, viennent s’ajouter des idéologies qui se collectivisent d’autant mieux qu’elles excluent cette dernière et la mettent hors d’état d’introduire un quelconque doute quant à l’hégémonie de l’entendement classique. Même le symptôme qui vient perturber cet ordre, se voulant immuable, est appelé à se ranger sous les ordres de la raison bilatère, paradigmatique de la civilisation, définie comme hostile à la raison du désir et de son fondement : l’interdit de l’inceste, corrélatif de l’ordre symbolique. Mettre excessivement l’accent sur l’imaginaire ne parvient pas à mettre définitivement hors-jeu le symbolique. Si l’excès ne débouche pas sur la mort, il finira à terme par reconnaître l’ordre symbolique en tant qu’il instaure définitivement cette incomplétude ontologique, mise en évidence dans le ratage de tout rapport objectal, élevé désormais au rang de fondement essentiel de l’existence, inclusive de la subjectivité.
Ce ratage qui fait valoir le vide ou « la béance causale » tient tous les « êtres parlants » en les ancrant et en les arrimant à l’ordre symbolique. Il se traduit par une perte ou un échappement qui les dépasse et qu’ils ne maîtrisent pas. Aussi s’aventurent-ils volontiers dans des promesses de conquêtes ontologiques et de quêtes identitaires dans le dessein de récupérer et de « dhommestiquer » ce qui leur échappe et les tient. L’impossibilité d’atteindre un tel objectif passe par la nécessité de ces fictions ontologiques, dont l’analyse et la d »construction permettent de mettre en évidence ce qu’elles contiennent et véhiculent comme références qui dissimulent le vide opérant en leur sein. Nul n’est contraint de se soumettre aveuglément à un ou à des projets d’ordre ontologique : s’y abandonner revient à accepter de nier la subjectivité et de s’aligner, grâce aux identifications imaginaires, sur la tendance totalitaire de la raison bilatère qui martèle sans cesse son réalisme, à travers les lieux communs et vulgaires de « l’objectivité », comme « le monde et les choses sont telles qu’elles sont et il faut leur être fidèle en les relatant et en les rapportant ainsi, pour dire la vérité ». Une telle objectivité « tautégorique » échoue inévitablement en censurant le processus de métaphorisation qui concrétise l’imprédicativité, inhérente au signifiant et à sa structure, laquelle l’empêche de se définir lui-même et exige qu’il s’articule avec un autre, dont il dépend de façon rétroprogrédiente. L’essence des choses étant perdue en raison du langage ou du symbolique qui leur donne désormais leur existence, aucune langue – quelle que soit sa richesse – ne peut la restituer. Sa disparition irrévocable assure sa pérennité comme un vide qui se perpétue et produit des effets qui le matérialisent et le subsument tout en l’assumant, d’autant plus qu’il préserve -par la présentification de l’absence – le fondement existentiel par excellence. Aussi, relater, rapporter un événement dit « extérieur », « objectif », revient-il à le restituer à partit d’un point de vue qui favorise un mode de vision et d’interprétation, qui ne saurait être exhaustif. Dans un tel contexte, peut-on alors dire que « l’objectivité » est atteinte et acquise à la suite de l’addition de tous les points de vue ? Cette « objectivité » serait-elle alors équivalente de la vérité ? Et la vérité se laisserait elle définir et identifier à une addition aussi exhaustive se voudrait-elle ? SPINOZA, en l’occurrence peut nous apporter un éclairage précieux quant aux rapports établis par le concept pour saisir la vérité en tant qu’elle ne se réduit plus à la chose physique, car sa matérialité est absorbée par son concept, qui la subsume et assume la perte causée par sa restitution.
Ce vide détermine les modalités de l’échange propre aux « êtres parlants » : leurs quêtes de complétude, nourries par leur « manque à être », passent par la recherche de complémentarité et l’obtention d’un complément qui puisse réaliser leur être et leur apporter une infatuation imaginaire, tout en transgressant le défaut ontologique ou la « béance causale », indispensable à leur existence en tant que le désir qui la détermine, bat en brèche la fatuité qui la contrarie.
Parmi les tenants acharnés de l’ontologie, se comptent des « progressistes » qui ne souffrent pas le « manque à être », qu’ils considèrent comme un frein à la liberté et à la pleine réalisation de soi. Généreux et très moraux, voire moralistes, ils refoulent la signifiance et ne s’embarrassent pas de précautions éthiques s’il faut chercher des cautions théoriques et idéologiques auprès de conceptions dont la scientificité » se réduit à une quantification et à une recherche de causalité de type exclusivement prédicatif. La mise en échec de leurs projets est imputée à des causes diverses, mais jamais à leurs propres transgressions de la structure, à savoir celle qui caractérise l’ordre symbolique et l’incomplétude à laquelle sont soumis tous ceux qui en dépendent, essentiellement les êtres parlants, qui, en tant que tels , sont définitivement marqués par un interdit, impossible à dépasser, quelles que soient les transgressions – réactionnaires et/ou progressistes – engagées et mises en place, notamment lorsque les pouvoirs économico-politiques les légitiment et les justifient. Les effets ne tardent pas à être dévastateurs sur les plans individuel et collectif. Les confisions entre normes sociales et politiques et les limites imposées par la structure subjective atteignent un niveau tel que les catastrophes individuelles et collectives se précipitent et aggravent ces mêmes confusions. Les combats idéologiques centrés sur les enjeux ontologiques sont en fait ordonnés par « l’hommosexualité » afin d’éradiquer la féminité, quitte à embrigader des cohortes de femmes, féministes de préférence pour mieux souligner cette « hommosexualité ». Ils tendent à exclure cette dernière en tant qu’elle promeut et fait valoir une fois pour toute la subjectivité. Ainsi, celle-ci ne projette pas d’éradiquer l’ontologie : elle lui restitue toute sa valeur, à savoir son caractère nécessaire pour devenir l’objet de déconstructions, favorables au sujet et à son advenue ou à son émergence, grâce au travail d ‘analyse critique, mené et soutenu contre tout ce qui peut discréditer la structure du signifant, et par là même la subjectivité. La fidélité à la féminité, mise en évidence par la fonction paternelle, préserve des errements de l’immanence que nourrissent les divagations ontologiques, d’obédiences différentes, voire opposées, qui n’ont de cesse d’attenter à l’interdit de l’inceste, de plus en plus bafoué par la « modernité », qui, tout en accentuant le « progrès » de la conquête ontologique et l’accomplissement de l’infatuation individuelle,-liés à l’asservissement à l’idéologie dominante et à sa doxa « hyperorthodoxe » mondialisée, altère profondément l’acuité intellectuelle, qui n’est pas pour autant sauvée par ce qui a été baptisé « post-modernité ». Toujours hantée par le spectre de la structure, alors qu’elle tente de la conjurer en sacralisant le sceptre moïque, cette dernière renonce à stimuler et à soutenir la « docte ignorance », qui confirme cette remarque de Jean CAVAILLES : « la structure parle sur elle-même ». Il apporte la précision suivante: « Le problème qui se pose alors est d’appréhender ce principe dans son mouvement générateur, de retrouver cette structure non par description mais apodictiquement en tant qu’elle se déroule et se démontre elle-même. (« Sur la logique et la théorie de la science »).
Amîn HADJ-MOURI
18/07/20