LE « TROU-MATISME » DE L’INTENSION (S1) ET L’ARCHITECTONIE DES EXTENSIONS (S2).
(1ère Partie)
*Je reprends et développe ici quelques arguments déjà présentés dans l’ouvrage collectif : « Algérie. Années 1990. Politique du meurtre en Algérie. » (LYSIMAQUE 1998).
Cf. également sur le site de l’AECFLILLE : « Crimes contre la subjectivité, crimes contre la féminité : un nihilisme totalitaire d’obédience islamiste » (24/05/16).
Le lien indéfectible qui unit et assure l’articulation dialectique de S1(intension) avec S2 (extensions), est impossible à abolir, que ce soit par la forclusion psychotique, ou par des tentatives d’abolition provenant de certaines idéologies totalitaires, comme le djihadisme islamiste – sous toutes ses formes-, et son pouvoir de pervertissement de la place et de la fonction de Dieu. Le nihilisme auquel ce totalitarisme abject aboutit, réunit et rassemble les diverses formes qu’il revêt. Son étayage est assuré par le discours capitaliste qui s’en sert – comme « repoussoir » -pour dissimuler les rapports sociaux qu’il instaure en développant une exploitation tous azimuts de corps qu’il asservit et soumet à ses diktats, sous toutes les latitudes. Les idéologies islamistes nihilistes soutiennent les mêmes quêtes et conquêtes ontologiques que fait miroiter le capitalisme, qui sait se montrer aussi sauvage qu’elles. Elles sont certes vouées à un échec certain et à la disparition de leurs protagonistes, tant la structure subjective, qu’elles comptent mettre à bas, se révèle indétrônable, malgré la gravité des attaques qu’elles ourdissent et fomentent contre elle. Se défendre contre ce totalitarisme, requiert et exige de se départir de toute logique, excluant ou défiant peu ou prou la subjectivité, et qui est partagée par nombre de conceptions qui s’opposent, en apparence, entre elles. Ne pas tomber dans le piège de la rivalité et de la guerre menées par des idéologies opposées, mais partageant plus ou moins implicitement la même logique, requiert de faire valoir la subjectivité comme fondement anthropologique, promouvant un entendement qui rompe avec la place de choix réservée à l’ontologie et aux théories prédicatives, considérées comme indispensables à la réalisation de soi. Autrement dit, en tenant compte sérieusement de la subjectivité et de sa logique, un nouvel entendement peut advenir. Il pourrait accélérer et précipiter la mise en échec d’un projet socio-politique, dont la sauvagerie est implicitement contenue dans ses programmes, qui ont pour dessein et objectif, la réalisation de la complétude et de la plénitude de soi en tant qu’elle signe et consacre la victoire décisive sur l’inconscient et la division subjective, inhérente au « défaut de rapport sexuel » . L’altérité essentielle , mise en jeu par les formations de l’inconscient, est décriée et rejetée parce qu’elle soutient les résurgences du sujet. Représentant la négation du moi, celui-ci est combattu parce qu’il constitue un obstacle de taille à la propension totalitaire de ce dernier. Si le sujet met en lumière le moi comme nécessaire à la subjectivité, le moi, lui, comme instance paranoïaque, maintient l’hostilité et entretient la haine contre le sujet (la haine de soi est la manifestation et l’expression d’une hostilité excessive vouée au sujet, que le moi , sous l’emprise de sa tendance paranoïaque, identifie à un obstacle inacceptable quant à sa réalisation pleine et entière. En vérité, le sujet met au jour et en évidence l’altérité qui lui confère sa consistance tout en assurant une existence qui l’associe nécessairement au moi ).
Cependant, l’idolâtrie du moi commande et impose des tentatives d’éradication du sujet en tant qu’il représente la négation, nécessaire au moi. Elle pousse au passage à l’acte meurtrier pour enfreindre –au nom d’une omnipotence imaginaire –toute loi sociale, et par là même s’affranchir aussi de toute limite, inhérente à la structure subjective.
Si les idéologies sont nécessaires, c’est bien pour que leur déconstruction puisse avoir lieu. En effet, c’est sur la base de ce qu’elles méconnaissent, et qui fait l’objet de leurs querelles et combats, à savoir la maîtrise de ce qui leur échappe et qui les fonde, que cette déconstruction peut avoir lieu. Elles se servent de tout instrument pour mener les conquêtes ontologiques dans lesquelles tout un chacun s’engage, oubliant que, de la sorte, il (elle) met davantage en évidence son « manque à être ». Elles révèlent, grâce à leur déconstruction, que tout ordre social s’organise sur la base du refoulement de l’ordre symbolique, soupçonné d’introduire le chaos dans l’« harmonie » factice qu’il promet à ceux et à celles qui croient en l’ontologie qu’il met en avant. La lettre, en défaisant cette illusion imaginaire, devient un instrument précieux aux mains de lettrés (es) qui la manient pour déconstruire et remettre à sa place le vide, métamorphosé et élévé au rang de pierre angulaire.Certes, c’est parce qu’aucun discours ne peut « dire le vrai sur le vrai », que des idéologies diverses se battent pour démentir ce que l’ordre symbolique implique et détermine, à savoir l’impossibilité essentielle de chacune de se saisir et de « dompter » ce qui lui échappe, et par là même lui donne sa raison d’être. Toutes les prouesses, tous les stratagèmes et artifices dont elle peut faire preuve, s’avèrent vains à terme. Cependant, si toutes les idéologies s’engagent dans le combat, qui consiste à imposer son mode de conquête de ce qui les fonde en même temps qu’il leur échappe, toutes ne sont pas « logées à la même enseigne » pour reconnaître que ce qui leur fait défaut et les détermine concomitamment. Leur déconstruction, opérée à partir du primat accordé au signifiant, tend à réhabiliter leur défaut fondateur en lui restituant sa place et sa fonction d ‘échappement incessant, et partant productif.
La fascination du djihadisme procède d’une idolâtrie vouée à l’ontologie, que j’ai appelée « idolêtrie », et qui conduit inévitablement à un nihilisme mortifère. La mort sanctionne immanquablement ce genre de mise à bas de la structure subjective, qui s’avère en fin de compte invincible. Dieu est un des noms de cette invulnérabilité de la structure, qui résiste et triomphe de tous les coups qui lui sont portés.
Se donner la mort ou la recevoir peut représenter certes un triomphe ontologique imaginaire en permettant au criminel d’échapper à la justice des hommes et de se réfugier dans un au-delà mythifié, et mystificateur : il laisse accroire que la subjectivité elle aussi a été mise en péril par le meurtre commis. Tuer et se faire tuer ou tuer en se donnant la mort, par exemple en se faisant exploser, conclut et achève une aventure ontologique, vouée à l’échec en raison même de la structure subjective, et de la castration symbolique qu’elle met en œuvre. Et ce n’est pas parce qu’on s’oppose fermement à une idéologie, parce qu’elle est manifestement abjecte, que cette confrontation est résolument établie et construite sur cette base si solide qu’est la structure subjective, avec tous ses effets, directs et indirects. Ce n’est pas non plus parce que les manières de faire sont acceptables pour la doxa, que le danger imminent de bafouer le sujet doit rester méconnu. Si des oppositions au pire restent attachées à un impensé, qui les rassemble et les identifient en tant qu’elles ne veulent rien savoir de la castration symbolique, de laquelle elles dépendent quoi qu’il en soit, alors on n’est pas sorti d’affaire. En effet, ce n’est pas parce qu’une proposition est fausse, que celle qui s’oppose à elle, comme son contraire, est forcément vraie ! Aussi, toute conception, qui n’intègre pas l’inconscient et les dimensions qu’il met en jeu selon une dialectique particulière, moebienne, a beau séduire, elle finira par rejoindre la cohorte des idéologies, dont le caractère exclusivement bilatère, univoque conduit à terme au pire. Toute condamnation inspirée et soutenue par une idéologie qui masque son impensé derrière une compassion émotionnelle intense, ne peut que donner libre cours à des poncifs et des à des antiennes, gros de régressions à venir. De même, faute de subvertir la fonction du savoir dit scientifique, grâce à la mise en évidence de son imprédicativité, il servira à renforcer la méconnaissance qu’il charrie indubitablement, au détriment de la vérité.
Aussi, au-delà des condamnations et de la compassion émotionnelle exhibées, parfois de manière spectaculaire, voire hystérique, la question essentielle doit-elle porter sur l’élucidation des fondements anthropologiques, implicitement mis en avant pour légitimer des affects, par définition, toujours ambigus et équivoques. Ainsi, il ne faut pas être grand clerc pour remarquer que la fameuse «laïcité » est devenue le « Cheval de Troie » de nombre de personnes, parfois érudites, mais indigentes sur le plan intellectuel, et partant peu recommandables sur le plan éthique.(Cf. la cohorte d’universitaires-idéologues d’obédiences différentes, signataires de la tribune, parue dans Le MONDE du 1er et 2/11/20, intitulée : « Sur les dérives islamistes ce qui nous menace, c’est la persistance du déni ». Ce concept de déni, émoussé et éculé par les théories psycho-sociologiques, est devenu tellement galvaudé et dévoyé qu’il n’est plus spécifié, ni différencié de ceux de dénégation et de démenti, faute de saisir la fonction logique de la négation, mise en jeu dans les processus subjectifs. Il sert cependant à jeter l’opprobre sur les « islamo gauchistes », nouvelle catégorie réservée à tous ceux et à toutes celles qui défendent les « idéologies indigéniste, racialiste et décoloniale », considérées comme des soutiens, voire des complices du salafisme djihadiste. La critique de telles idéologies serait intéressante si ces maîtres de l’université mettaient à nu leurs fondements théoriques viciés par leurs appartenances idéologiques. Ainsi en quoi cet anathème, parce qu’il provient d’idéologues , experts en « psychose sociale », pourrait-il s’appliquer aux travaux d’un Olivier LE COUR GRANDMAISON, par exemple ?
Pour paraphraser Michel AUDIARD , dans « le Pacha », je dirai que « dès qu’on parle de paradoxe (à côté de la doxa) à ces gens-là, ça leur bloque les méninges » !) Un savoir, aussi étendu soit-il, fût-il encyclopédique, ne préserve jamais de la méconnaissance. Elle sert très souvent d’étalon à la hiérarchisation sociale des « pontes », qui se livrent à une lutte sans merci pour y gagner, qui une belle place, qui un strapontin, et contribuer de la sorte au renforcement de la « psychose sociale ». Les prétentions à colmater le trou du réel rivalisent en stratagèmes pour développer et « bétonner » celle-ci. C’est à l’aune de ce comblement, dont ils entretiennent l’illusion, que leur place de choix, comme acteurs de la « psychose sociale », c’est-à-dire de l’idéologie dominante, est réservée, protégée et consacrée. Il s’agit alors d’incompléter ces théories vouées au colmatage en les incomplétant par le rappel qu’elles sont, elles aussi, tributaires du signifiant et du rapport au réel qu’il impose. En d’autres termes, une chose est l’accumulation de connaissances pour colmater et renforcer la méconnaissance, au détriment de la vérité, autre chose est le choix de connaissances, destinées à « compactifier la faille » et à soutenir le créationnisme fictionnel.
Le sujet, corrélatif de l’ordre symbolique, s’affirme comme une nécessité qui bat en brèche sa réduction et sa définition univoque, celle de constituer un obstacle intérieur à la réalisation de son être. Défier la structure subjective, et la violer qui plus est, entraîne non seulement des conséquences importantes sur le plan individuel, mais aussi politique. Quel que soit le savoir invoqué, sa prétention est toujours mise en défaut et en échec par l’intension, qu’il peut continuer malgré tout, à méconnaître. Aussi, un savoir digne de ce nom, ne serait-il pas caractérisé par cette tension particulière entretenue entre la prédicativité et l’imprédicativité ?
Les élites, « non dupes de l’inconscient », et de surcroît, zélotes de la méconnaissance, qu’elles dissimulent habilement sous les traits d’un savoir universitaire, plus ou moins érudit, exploitent et profitent des méfaits des djihadistes, qui les leur « servent sur un plateau », pour recouvrer une aura, conforme à la « psychose sociale » ambiante que les idéologies islamistes portent à son paroxysme. Ce n’est pas parce que le nazisme est en apparence différent du capitalisme, qui présente de multiples facettes, qu’ il ne dévoile pas, à certains moments cruciaux de son développement, qu’il constitue bel et bien sa source, et qu’il en est toujours gros : il le contient (dans les deux sens du terme) ! Certes, son avènement n’est jamais prévisible à l’avance, mais ses germes –toujours actifs- sont identifiables, grâce aux enseignements de l’histoire, et peuvent être d’autant mieux mis en lumière. Dans un contexte funeste de compétition idéologique acharnée, point n’est besoin de répéter à l’envi des antiennes et des poncifs qui invoquent l’éducation et la culture, pour dissuader les candidats aux crimes et les ramener à la raison, celle du « droit chemin » qui mène droit à l’obscurantisme de l’aliénation sociale et de la méconnaissance. Certains idéologues et prédicateurs (distributeurs de prédicats) laissent entendre que l’apport de connaissances à ceux et à celles qui en sont privés, surtout les connaissances qui ont un caractère scientifique, reste le moyen idéal pour éviter les atrocités que l’on connaît. Or, laisser croire que par ce biais une ontologie idéale serait garantie, est une imposture qui consiste à prétendre que ce mode d’obturation du « trou » du réel est le faîte de la civilisation. Or, c’est ce dernier qui génère les connaissances et les transcende en tant qu’il les assortit de l’impossibilité, pour tout savoir, de le suturer. Il maintient ainsi la vérité hors de l’illusion que le savoir peut la saisir et maîtriser sa structure, qui contraint à la « mi-dire » et à la définir comme paradigmatique du « pas tout ». Ce qui tend à la nier (mensonge) est en fait nécessaire à son advenue et à son avènement. Cette impossibilité d’accéder directement à la vérité est une dimension essentielle de tout énoncé, qui, grâce à son articulation dialectique avec celles qui lui sont structuralement liées, est seule capable de battre en brèche résolument les conditions propices au développement de l’obscurantisme, contre lequel les tenants de la raison classique, pierre angulaire de la « psychose sociale », n’ont rien à proposer, hormis des vœux pieux et pernicieux, à terme profitables à différentes formes de totalitarisme, dans lesquelles la jouissance de l’Autre « écrase » la jouissance phallique.
Ce trou ou cette béance, fondatrice de toute proposition, est le fonds, le capital inaliénable de ceux et de celles qui manifestent une loyauté résolue au sujet ! Faire valoir et promouvoir ce trou ressortit à la civilisation, dans le sens où il génère des questionnements dont les réponses confirment son activité et sa pérennité. Prétendre le colmater et le « boucher » peut conduire aux « boucheries » sauvages que l’on connaît. Abandonner l’idée que les « Lumières » anéantissent à elles seules l’obscurité, alors que les unes sont indissociables de celle-ci , permet de bien poser et de formuler plus précisément la problématique à laquelle nous confronte le totalitarisme djihadiste. L’ abjection des crimes qu’il autorise et commet, réside en fait dans sa récusation de la dépendance du symbolique, et partant du primat du signifiant, exclu par les idéologies partisanes de la « psychose sociale ». L’idéologie dominante qui stimule celle-ci, fétichise le matérialisme vulgaire et le réductionnisme pour entraver l’émergence de la signifiance. Elle exclut le « motérialisme »(LACAN) en tant qu’il introduit un autre entendement, capable de rompre avec les conceptions d’obédiences diverses, et parfois opposées, animées cependant par un seul et unique objectif : en finir avec le sujet et avec la subjectivité, tout en invoquant le savoir comme moyen de renforcement de la méconnaissance, et par là-même de l’impensé, qui, comme facteurs d’obscurantisme, déterminent le choix de conceptions réfractaires à la subjectivité, et consolidatrices de la paranoïa individuelle, soutenue et défendue par la doxa. L’orthodoxie, qui privilégie le refoulement de l’assujettissement à l’ordre symbolique ne souffre pas le paradoxe. Elle s’accommode fort bien de la contradiction tant elle est dominée et écrasée par la raison bilatère, très encline à refuser et à rejeter toute élucidation, qui risque de faire échec à l’avènement d’un entendement original, qui n’envisage pas son anéantissement, mais au contraire son nouage et son articulation avec une dimension subversive : le réel qui met en évidence l’impossible et contribue à la réduction de l’impensé. Le retour du refoulé concrétise cet impensé. Il requiert un mode de lecture et d’élucidation qui met en œuvre une autre raison, un autre entendement tenant désormais que le refoulement secondaire ne peut faire oublier le refoulement primordial, dont la subversion « troumatisante » est au fondement de la subjectivité, et garant de l’humanité. L’humanité est incluse dans la subjectivité, et lorsque celle-ci est bafouée, celle-là est mise inévitablement à mal. La psychose sociale, souvent confondue avec la modernité, « s’ingénie », en sophistiquant diverses idéologies, à maintenir et surtout à renforcer l’insu (que chacun ( e ) sait, mais oublie, refoule -méconnaissance oblige-) de l’altérité, inhérente à sa condition d’ « être parlant ». Elle encourage des conceptions qui nient leur fondement signifiant et les expose à leur pervertissement en théories totalitaires et dangereuses, malgré le renfort d’artifices humanistes, dont la caducité est exemplaire. Dans sa « croisade » contre le « motérialisme », congruent de la « présentication de l’absence », si caractéristique de la fonction paternelle, la « psychose sociale » fait main basse sur le matérialisme scientifique pour le pervertir et le délier de son imprédicativité fondamentale, afin qu’il démente et dénonce, voire répudie sa dépendance du signifiant et de la lettre. La science ainsi spoliée, se transforme en idéologie au même titre que la religion : l’une et l’autre sont mises au service du déni de la béance, qui leur donne naissance et qu’elles ne peuvent combler, malgré toutes leurs prouesses. L’opposition à cette aliénation sociale portée ainsi à son comble, n’est probante que si elle s’appuie sur l’aliénation symbolique qui « réhabilite » l’altérité intime, caractéristique de la subjectivité en tant qu’elle assure une singularité, entendue et comprise comme la concrétisation de ce que l’universel (nécessaire communauté de la béance) doit au particulier (modes d’expression et de manifestation de cette béance qui la font oublier et n’aident pas à s’en rappeler dans le cadre du refoulement secondaire) . Un enjeu épistémologique et politique concerne les modes de contribution qui envisagent la supplantation de l’ordre symbolique par la mise en valeur de son incomplétude, corrélative de la béance qu’il instaure, contre tout ordre social qui pousse à l’idolâtrie du « discours du maître » et à son hégémonie. Sa structure implique la subjectivité qu’il ne souffre pas, et dont il se clive grâce à divers stratagèmes idéologiques, destinés à pervertir les relations objectales, sous-tendues par le désir.
Ladite modernité pousse à démentir ce statut essentiel en recourant à des conceptions, qu’elle favorise, notamment lorsqu’elles prétendent faire échec à la Loi non écrite, mais définitivement inscrite et de façon indélébile dans le corps de chacun ( e ) qui en dépend pour vivre, et dont la pulsion témoigne. La pulsion articule le sujet à l’objet selon un « rapport d’exclusion interne » qui donne corps au ratage en tant qu’il soutient le désir, déterminé par l’objet a. Cette Loi fondamentalement subversive, affranchit l’être parlant de la domination totale de la nature pour instaurer un ordre symbolique « trou-matisant » parce qu’il instaure une faille, une béance dont le colmatage –malgré ses multiples échecs- continue de représenter le nec plus ultra de la modernité. Les fanatiques islamistes n’ont de cesse de tenter de combler cette béance qui est un nom de Dieu, dans le sens où il est le seul et l’unique à lui échapper et à affirmer qu’il est, contrairement aux êtres parlants, désormais confrontés à ce défaut irrémédiable qui les mobilise pour soutenir leur existence, marquée par des progrès et des reculs quant à sa reconnaissance et à la fécondité qu’il offre.
Choisir et décider de mettre un arrêt à sa propre vie ne tient que parce que « l’ex-sistence », liée à la subjectivité qui s’oppose à l’ontologie en la subvertissant, devient insupportable, invivable tant la « psychose sociale » appelle à s’en affranchir pour affirmer la pureté de son être, « nettoyée » de son altérité constitutive. Le totalitarisme du moi et sa tendance paranoïaque prennent le dessus, et la mort vient sanctionner une méconnaissance d’autant plus funeste qu’elle est renforcée par l’instrumentalisation de Dieu, qui se voit ravalé au rang de caution d’actes criminels, commis sur d’autres et finalement sur soi. Tuer l’autre équivaut et revient à éliminer l’Autre, constitutif de la subjectivité et de l’existence de tout un chacun, porteuses de singularité en tant qu’elles mettent au jour les rapports particuliers qui caractérisent le lien « organique » et indestructible entre le moi et le sujet. Ainsi, et il n’en demeure pas moins qu’elle signifie aussi un échec éloquent de la volonté d’éradiquer la subjectivité, sans laquelle l’existence serait impossible. La clinique analytique des autismes et des psychoses nous apprend qu’une ontologie forcenée, produite et développée par le « discours du maître », sacrifie l’existence en croyant la « libérer » de la Loi fondatrice du désir. Cette référence ne signifie aucunement que le djihadisme ressortisse à la psychose, qui ne réussit pas elle non plus à s’affranchir de la condition irréversible d’ « être parlant ». Malgré tous les traits de perversion dont le djihadisme, fanatisé par « l’idolêtrie », se pare pour effrayer, traumatiser, sidérer, afin d’imposer par la peur et la cruauté sa conception du monde, qu’il croit détenir de Dieu dont il se croit et se fait le seul porte-parole, il finit par se heurter à son échappement, lequel met en déroute toutes les impostures visant à le maîtriser.
L’objectivation de Dieu, sa chosification et sa réification fétichistes, dégradent et dévaluent le Prophète en tant qu’il est, comme « être parlant », son envoyé et son messager. La réification échoue immanquablement, et pour cause ! Dieu est le nom même de l’unique exception qui échappe à la castration symbolique, inhérente à la condition du commun des mortels : celle de l’ « être parlant », non seulement dénué de tout prédicat prétendant assurer sa complétude, mais aussi confronté à l’échec de l’addition des attributs qu’il se choisit, et qui finissent par accuser et mettre davantage en évidence son incomplétude structurale. En effet, ce n’est pas parce qu’un prédicat échoue à mettre à l’écart le sujet, que la multiplication d’attributs réussira, elle, à mettre un terme au « manque à être ». Le sujet, corrélatif de ce dernier, excède toujours les tentatives de suture de la béance par les saturations extensionnelles de type prédicatif. Prendre toute le mesure de la lettre, qui prend part dans l’émergence du « manque à être », met tout un chacun au pied du mur , celui de l’amour, élevé sur « l’a-mur » (le mur de l’a) (LACAN).
LA FASCINATION IMAGINAIRE DE L’OBLATION ET LE NIHILISME REIFIANT FONT PARTIE INTEGRANTE DE LA « PSYCHOSE SOCIALE », PROMOTRICE INCESSANTE D’IDEOLOGIES PREDICATIVES ET ONTOLOGIQUES, COMME L’ISLAMISME.
L’islamisme n’est pas une émanation idéologique « magique », surgie spontanément de sociétés à majorité musulmane, longtemps placées sous le joug du colonialisme, issu aussi des Lumières occidentales. Il procède davantage de dérives idéologiques « sauvages », issues du capitalisme que de l’islam en tant que tel, même si ses fondements ne sont pas radicalement incompatibles et inconciliables avec ce système socio-économique. Les lectures, promues par ce dernier, proviennent plus de certains discours qui gangrènent les rapports sociaux de certaines sociétés, soumises à l’ordre capitaliste mondial, que du corpus musulman lui-même, même si , historiquemement, il a favorisé et participé à des pratiques esclavagistes. Depuis que le capitalisme occidental règne sur ces sociétés et les soumet à son ordre mondialisé, elles manifestent de plus en plus –malgré leurs prétendues indépendances-, des déviations perverses qui n’ont jamais pris un tel tour, même au plus fort du colonialisme. Les ambiguïtés certaines et l’équivocité signifiante des énoncés coraniques, tout comme celles des propos et commentaires du Prophète, ne sauraient justifier ni légitimer de quelque façon que ce soit les actes criminels de pervers-mercenaires.
Tuer pour revendiquer son être sur lequel la main mise est impossible, en raison même de la condition d’ « être parlant », implique la projection comme processus qui sélectionne et désigne un « coupable », un « bouc émissaire », fauteur de persécutions d’autant plus intolérables qu’elles attentent à une infatuation moïque, d’autant plus fanatique et fascinante qu’elle offre l’occasion à un individu de faire corps avec un groupe et de se confondre avec lui. Tout ce qui concerne le groupe qu’il s’approprie le concerne au premier chef, sans même qu’aucun membre de ce dernier ne lui demande quoi que ce soit. Il croit incarner tous ses co-religionnaires sans avoir reçu un quelconque mandat de leur part. Omniscient, à l’image de Dieu, il sait par avance quel est leur bien. Offrant la pire des caricatures du père imaginaire, il se sacrifie pour les combler, en se livrant à des exactions punitives et meurtrières de type sadique. Cette imposture perverse débouche à terme sur une mort dont la signification est dévoyée : elle couronne le sacrifice et le martyre renforce l’infatuation paranoïaque via la consolidation de la grégarité groupale et clanique, bâtie sur des mécanismes identificatoires imaginaires, voués à terme, à l’échec.
Une telle impasse paranoïaque ne peut que conduire in fine au meurtre de sa propre subjectivité, qui est cenée articuler la singularité à la condition générale, commune et irrévocable : celle d’un « être parlant ». Tuer pour réaliser son être et atteindre le paroxysme de la jouissance phallique, est annonciateur de sa propre mort ! la foi forcenée en l’infatuation moïque est en fait plus forte que celle qui est censée être accordée à Dieu et à son omnipotence. La réification de Dieu est au service d’abord et avant tout du culte voué au moi absolu. Elle est à l’œuvre dans toutes les idéologies, parmi lesquelles se rangent celles des islamistes, dont le caractère mortifère est bien adapté à la « modernité », promue par des puissances qui dominent la planète, et ne cessent pas de causer quotidiennement, –à cause de leurs politiques- des hécatombes.
FAVORISER LE CHAOS, C’EST PORTER ET SOUTENIR UN DISCOURS QUI PRECIPITE LE « BON HEUR(T) » AVEC LE « TROUMATISME », VIA L’ARTICULATION SIGNIFIANTE S2—–S1—-S2. LE CHAOS, C’EST LA « PERE-VERSION », RENFORCEE ET CONFIRMEE PAR LE DESIR QUI FAIT ECHEC A TOUTE ONTOLOGIE ET A TOUTE INFATUATION, DE QUELQUE IDEOLOGIE QU’ELLES PUISSENT PROVENIR.
Un des atouts du discours analytique consiste à créer les conditions pour que la parole permette à la métaphorisation extensionnelle (S2) de heurter et de buter sur l’intension, et son potentiel métonymique. Ainsi l’évidence du « pas tout » se démarque et s’affirme, tout en faisant partie intégrante de toute fiction qui l’illustre. Refuser ce chaos peut conduire à préférer la mort qui s’y substitue. Préférée au chaos qui rappelle l’inconscient, toute idéologie récuse la négation qu’il met en œuvre contre l’entendement que l’anthropologie classique développe en vue d’exclure le sujet et l’altérité qu’il anime. En effet, le chaos « père-vertit » toute organisation extensionnelle qui relègue l’altérité essentielle à une méconnaissance, apparemment confortable, mais en vérité épuisante, tant elle contraint à déployer des stratagèmes, dont l’objectif consiste à s’opposer et à récuser la « présentification de l’absence ». Il introduit une surprenante familiarité qui provoque un séisme dans l’habituelle étrangeté à laquelle l’altérité est affectée, voire reléguée pour être, en définitive, écartée, éloignée, voire confinée, tant elle est parée de dangerosité.
Que l’on fasse appel à l’érudition, entendue comme l’accumulation de connaissances, ou que l’on se contente d’une seule idéologie, aussi insuffisante soit-elle, pour combler et forclore le trou, indicatif de l’échappement du réel, le totalitarisme contenu dans l’une ou dans l’autre, en vue de séparer et de cliver S2 de S1, finit par exploser. Il procède de la propension insistante de chacune à ne rien vouloir savoir de l’intension, qui les détermine, et concentre sur elle une farouche et rebelle méconnaissance, facteur important de médiocrité intellectuelle. Le réel scelle le nouage borroméen des dimensions en jeu dans toute fiction : elle le recèle comme la source même de son enrichissement, aussi inattendu qu’incessant. La signifiance et son corrélat : l’indécidable, en attestent quant à la formulation et à la formalisation de problèmes, demeurés jusque là plus ou moins obscurs et opaques. Mais elle peut toujours être réfutée par qui ne veut pas l’intégrer à son entendement, engoncé qu’il est dans une conception, dont la fonction surmoïque, au service de l’infatuation moïque, est d’une terrible férocité.
Tout sentiment, tout affect met en jeu –en tant que représentant- la représentation qui procède d’une position subjective et produit une fiction, constituée du « semblant », nécessairement conjoint au « parêtre ». Au titre de S2, il est partie prenante d’une extension dont a valeur procède de la qualité du lien qu’elle établit avec l’intension, qui met en œuvre et concrétise « la présentification de l’absence ». Influencée et « impactée » par cette dimension qui lui échappe tout en la constituant, elle en porte définitivement la marque et en est l’effet inéluctable. Cette dernière se révèle être sa cause , maintenue implicite, voire tue par une méconnaissance qui agrège, par identification imaginaire autour de l’ accroissement de l’occultation qu’elle met en oeuvre, des groupes et des masses de plus en plus importantes. Les liens et les rapports de toute extension avec l’intension configurent un discours qui rend compte de la valeur accordée à la subjectivité, notamment à l’inconscient et à ses formations qui perturbent la méconnaissance la plus sophistiquée mise en place pour ne rien vouloir savoir du vide opérant et constitutif de l’intension. Les manœuvres de pacification proposées par nombre de thérapeutes consistent à occulter de toutes les façons possibles –magiques, scientifiques et/ou charlatanesques- ce dernier, pris pour un fauteur de chaos, dès lors que les traces de l’imprédicativité font leur apparition et laissent transparaître leurs conséquences.
Le décalage nécessaire qui existe entre les extensions et l’ intension, requiert une lecture attentionnée pour rajouter et supplémenter toute extension de dimensions qu’elle tend à occulter, en raison de la structure même qui la rend possible et lui donne naissance, celle du signifiant, qui y est toujours à l’œuvre et qu’il faut prendre au pied de la lettre, afin d’éviter de se retrouver mis au pied du mur.
L’éthique spécifique du discours analytique lui épargne son insertion dans le combat idéologique, visant à imposer –par la force si besoin- une conception idéale dont l’objectif prédicatif, partagé par le plus grand nombre, finit par consolider la méconnaissance et engendrer, au fur et à mesure des fissurations de celle-ci, une censure de plus en plus active, toujours prompte – avec l’aide de ses experts patentés-, à l’imputer à des « boucs émissaires », plutôt que de reconnaître son caractère structural, contre lequel toute récusation s’avoue vaine. C’est parce que le réel n’est jamais exclu, quoi qu’on fasse, que la structure est indissociable de l’histoire : elles ne s’opposent pas, elles s’interpellent sans se confondre ni ne se recouvrir. C’est la continuité de celle-ci, et ses enchaînements qui parviennent à certains moments de discontinuité, de faire émerger celle-là.
Dès lors qu’il devient possible de remettre en question les prétentions ontologiques et prédicatives exposées par une idéologie, définie par sa propension à colmater la « béance causale », indispensable à la subjectivité, la tendance à classer et à hiérarchiser les conceptions selon leurs capacités et potentialités d’obturation de cette faille, cède et laisse place plutôt à un examen critique, autrement fondé, puisqu’il ne s’agit plusde fixer une origine absolue, ni une justification ultime. S’atteler à « bien dire » les fictions, revient à les formaliser de telle sorte que leurs fondements se trouvent clairement établis. Jean CAVAILLES dans « Sur la logique et la théorie de la science » n’hésite pas à affirmer que, contrairement à l’axiomatisation, « formaliser, c’est fonder ». Et ce, même si, précise-t-il, « le travail n’est ni définitif, ni dépourvu de degrés » (Remarques sur la formation de la théorie abstraite des ensembles).
Tous les « êtres parlants » ne daignent pas partager leur dépendance du symbolique : certains la rejettent et ne veulent rien savoir, en usant de violence pour s’en convaincre, et d’autres respectent la béance qui les constitue. Ceux et celles qui excluent et tentent d’éradiquer cette dernière, sont les premiers à mettre au point des idéologies qui idéalisent la paranoïa, comme paradigme de la civilisation, définie comme la liberté d’en finir avec cet obstacle intolérable à la réalisation et à l’accomplissement de soi, qu’est la division subjective, assise de l’ « ex-sistence ». De telles idéologies, engagées dans un combat commun contre cette donnée structurale, impossible à déraciner, mettent au grand jour leur méconnaissance. Elles permettent ainsi des lectures qui ont le mérite de bien formuler une problématique. Leurs examens critiques aident à dégager des termes plus justes et plus adéquats, respectueux de la signifiance et de la tension constante, entretenue par le rapport dialectique entre S2 et S1, auparavant bafoué. Cette référence à la signifiance devient un gage de fécondité. Et il s’agit de l’opposer à tous ceux et à toutes celles qui la récusent et l’excluent, que ce soit de manière douce, de façon dénégative, ou extrêmement violente, à la manière du négativisme psychotique, sans pour autant s’y identifier.
Faire valoir la signifiance et tous les effets qu’elle emporte, est une façon –peut-être illusoire- de redéfinir et de réinventer la démocratie en tant qu’elle réintègre définitivement la subjectivité, et accorde une certaine considération à ses dimensions constitutives, dont les diverses modalités de nouage déterminent des politiques fondamentalement différentes.
Amîn HADJ-MOURI
11/11/20